But avoué : répondre à la question de mirsky (et désolé pr lancer une réflexion sur les genres par la même occasion

)But non avoué : battre fangorn en terme de longueur de post

)))La question du RM me titille depuis pas mal de temps et donc je vais essayer de coucher sur papier certaines idées qui sont nées au fur et à mesure. Merci mirsky pour ce coup de pied bienfaiteur à mon travail

------Bon, on va élaborer des éléments de réponse.Tout d'abord, 100 ans de solitude pose le problème de l'appartenance d'un genre aux contours mal définis (un caractère que certains univeristaires, pour d'autres visées que juste littéraires, entretiennent savamment), le réalisme magique (RM pour faire court), à la fantasy. Il y a encore 1 an (un peu plus) je pensais que le RM était de la fantasy. Mais aujourd'hui ce n'est plus guère mon avis (et donc une mise à jour de mon dossier de présentation de la fantasy sur ce site, maintes fois reportée, est nécessaire). Ce pour plusieurs raisons. Certaines sont seulement typiques de la théorie des genres, d'autres plutôt dues au milieu de la fantasy même.Pour commencer, il faut noter que la littérature fantastique sud-américaine en général (et pas seulement le RM avec lequel on la confond bien souvent) est fortement influencée par et descend en en quelque sort du surréalisme. Les affinités entre Buenos Aires et les salon parisiens par exemple sont profondes dans les années 30-40. Le RM est-il pour autant du surréalisme? Non. Il ya bien le même mix fantastique-réalité mais les buts du surréalisme sont davantage esthétiques. Le RM se base lui dans la culture populaire (c'est un élément très important) des pays d'Amérique latine, même si cela se fait des fois via une relecture de ce folklore à... Paris. Par ailleurs, le RM est souvent sous-tendu par des idées sociales,voire politiques. Il ne faut pas oublier que les indigènes, les paysans ont une vie pas franchement enviables. Au cours du 20e siecle, pas mal de gens des juntes militaires ont pris le pouvoir, et instauré des dictatures (caudillos, ça vous ditt qqch? cf le dernier roman de Mario Vargas Llosa même si c'est pas du RM pour ce livre précis). Le RM sud-américain est engagé.Je dis RM sud-américain parce que par la suite, on peut distinguerd'autres RM. En Inde, en Afrique. Même base culturelle populaire de prime abord, mais souvent aussi même culture académique à l'occidentale de l'auteur (ex: Salman Rushdie) pr mieux se focaliser sur son pays d'origine. Le RM, littérature post-coloniale ? Pas forcément. On peut concevoir aussi un RM dans nos pays. Juste, en passant, Kafka est souvent tenu comme un des précurseurs du RM, si ce n'est LE précurseur.Mais refuser le caractère de 'fantasy' au RM pose un autre pb. Si l'on exclue ainsi les oeuvres relevant du RM, tout du moins celles d'auteurs sud américains, africains ou indiens, que reste-il à la fantasy ? Seulement des auteurs anglo-saxons, quelques français , italiens et autrichiens ? La fantasy serait donc typiquement occidentale ? Le RM lui aussi a des pb de limitations. Les écrits de l'anglaise A S byatt en sont-ils ? Idem pour Angela Carter, Jeanette Winterson... Des oeuvres comme celles du japonais Murakami Haruki sont souvent désignées comme RM, sans que cela s'appuie réellement sur la théorie des genres, mais plus souvent sur une considération éditoriale. Le flou est savamment entretenu...Le RM, beaucoup plus étudié par les anglo-saxons que par les français, rejoint d'autres notions comme celles du postmodernisme (terme surtout utilisé par les universitaires anglo-saxons, et très peu en France ; il s'agit en gros d'un questionnement de l'énonciation stricto réaliste de la fiction qui a longtemps prévalue au 20e siècle, sans que cela appelle le merveilleux, + dépassement du cloisonnement des genres)Ceci dit, on peut commencer a faire quelques distinctions :Fantasy et RM se basent sur un univers décrit de manière réaliste où le merveilleux fonctionne. Mais là où ce monde sera (quasi) totalement coupé de notre monde (ou bien encore les deux mondes sont reliés entre eux, ou l'un est caché dedans/sous le monde réel...) en fantasy, c'est sensé être le monde réel en RM. Le merveilleux du RM tient plus au conte philosophique (et à ses visées) qu'au conte de fée (plus 'édifiant' sous des dehors d'aventure). Et si les auteurs peuvent puiser aux même sources du conte (de fées), celui de RM les utilisera de façon plus onirique et symboliste, sans pour autant faire dans les niaiseries et le spiritualisme fumeux d'un Paulo Coelho. Le RM pose de vrais pbs dans certaines sociétés, interroge les cultures.Un autre problème est le point de vue de l'auteur (et du lecteur) sur ce caractrère 'surnaturel'. En fantasy, la question ne se pose pas, auteur et lecteur sont bien d'accord que même si cela est décrit de manière réaliste, ce surnaturel n'existe pas dans notre monde. En RM, c'est beacoup plus problématique. Les éléments surnaturels, les esprits ne sont pas de pures création de l'imagination pour les populations dans les campagnes d'Amérique du Sud ou d'Afrique. Ils existent à leurs yeux. (Mais est-ce bien là le lectorat visé par l'auteur ? Il faut savoir que par exemple en Afrique, il est très difficile de se faire éditer. Si vous écrivez dans un dialecte local, les gens là-bas vous liront, mais leur nombre est faible et le livre ne sortira pas de ce cercle restreint. Si vous ecrivez en français, vous vous adressez à une élite et à l'Occident. Suivant les cas, le surnaturel n'est pas du tout perçu de la même façon... Pour Gabriel Garcia Marquez, cette magie fait partie intégrante de la réalite. On pourrait en déduire que le RM est une redescription magique de la réalité de tous les jours. Et cette magie ne se situe plus forcément là où on l'attend. La magie dans le RM est une magie que l'on pourrait qualifier de naturelle, cela ne dépassant pas le cadre des esprits, ou d'une nature presque extraordinaire mais toujours plausible. L'auteur de RM ne va pas chercher à nous faire croire à cette magie comme l'auteur de fantasy. La magie EST tout simplement, nul besoin de la justifier.Ensuite, on peut noter une attitude un peu trop zélée de certaines personnalités de la fantasy à vouloir hisser la fantasy au niveau de la littérature générale (en a-t-elle réellement besoin ? peut-elle même y prétendre ? ... ça fait naître pas mal de questions

). Ainsi donc, on peut avoir l'impression (et c'est assez mon cas en ce moment, bien que je n'ai pas toujours pensé ainsi, au contraire) que certains tentent d'agripper certaines oeuvres de "littérature générale" et de leur coller une étiquette 'fantasy' et de dire au tout venant : 'vous voyez, c'est bien ?! eh bien, c'est de la fantasy !'. J'y vois deux conséquences : 1°) l'oeuvre ainsi étiqueté n'était pas connue avant => elle 'sombre' définitivement dans le domaine de la fantasy et est considéré comme 'intouchable' par les bien pensants de la littérature générale, à part quelques courageux défricheurs qui essaient tant bien que mal de faire connaître l'oeuvre (ex : Titus/Gormenghast, et dans une certaine mesure le SdA);2°) l'oeuvre est bien connue du milieu de la littérature générale => les faibles cris qui la revendiquent comme étant de la fantasy sont ignorés, exceptés de ceux qui les poussent. Résultat : aucune reconnaissance pour la fantasy, juste une sorte d'auto-satisfaction vaine pour les colleurs d'étiquette de la fantasy. Je place dans ce cas les livres dits de RM, voire qques autres moins évidents.Ban, ça n'est pas complet, loin de là, mais je pense qu'il y a pas mal de choses pour faire réagir. J'espère en tout cas vous avoir convaincant que le RM est un secteur hautement intéressant et dynamique de la littérature moderne.>>>AU BILAN :-> 100 ans de solitude, RM : fantasy ?Je dirais non. Mais il faut noter que sous l'influence du RM s'est développée une certaine fantasy contemporaine (ou urbaine), une fantasy qui a gagné en qualité, en profondeur. Donc ça n'est quand même pas sans rapports étroits.