A titre exceptionnel, parce que cette série est vraiment grandiose, je reproduis ma critique ici :
En 1985, l'auteure canadienne Margaret Atwood publie un roman de science-fiction appelé à devenir un classique du genre : The Handmaid's Tale (connu sous le titre français de La Servante Écarlate). Acclamé par la critique, le récit nous plonge dans une dystopie patriarcale et théocratique. Les Etats-Unis se sont effondrés, remplacés par la République de Gilead. Fondée par une organisation connue sous le nom des Fils de Jacob, cette nouvelle société s'appuie sur le dogme religieux chrétien pour édifier règles de vie, valeurs morales et prôner un retour au traditionalisme dans tous les domaines. The Handmaid's Tale est le témoignage de Offred (de son vrai nom June), l'une des servantes attribuées au commandant Fred Waterford. Elle nous raconte comment elle a été enlevé, séparée de sa fille et mise en esclavage au sein d'une société cauchemardesque où la femme n'est plus rien. Terrible dans son ton et dans sa forme (avec un style très froid et distancié, presque clinique), le roman laisse un goût de soufre dans la bouche du lecteur. C'est en avril 2016 qu'Hulu, principale plateforme concurrente de Netflix aux Etats-Unis, annonce produire une série tirée du roman. Dirigé par Bruce Miller (qui avait jusqu'à présent officié que pour des séries mineures), The Handmaid's Tale réunit un casting des plus solides avec notamment Elisabeth Moss (Top of The Lake ), Joseph Fiennes (American Horror Story) ou encore Ann Dowd (The Leftovers). Lancé en avril 2017, la première saison connait un succès critique foudroyant qui pousse Hulu à renouveller la série pour une seconde saison dès mai 2017. Acclamé par la presse américaine (et bientôt française), The Handmaid's Tale reprend une très large part de l'intrigue du roman et adapte l'univers d'écrit par Margaret Atwood à la lettre. Prenez une grande inspiration, et plongez dans un cauchemar.Car The Handmaid's Tale est un cauchemar. Un vrai. Une atroce dystopie où l'horreur théocratique est poussée à son paroxysme. Le pilot réunit immédiatement toutes les qualités que développera ensuite la série. La mise en scène tout d'abord, d'une sobriété impressionnante, qui découvre un univers glacial et glaçant où le rouge des servantes devient aussi familier que la lumière du soleil. Contrairement au récent American Gods, la série de Bruce Miller ne joue sur aucun effet de manche. A peine s'offre-t-elle des ralentis pour souligner certaines actions importantes ou tragiques. Cette mise en scène minutieuse, terrifiante dans ses moindres recoins, s'accompagnent d'une bande-originale parfaite qui sait être discrète quand il le faut, ménager des silences quand il le faut...et s'imposer quand il le faut. Rien n'est laissé au hasard dans la constitution de cette première saison. Si dans le roman nous suivons uniquement Offred, il n'en est pas de même pour la série. Le téléspectateur est bien entendu dans la tête de la jeune femme dont il entend les pensées en voix-off, mais le format permet également de développer d'autres personnages qui deviennent donc plus profond tels que Nick, le couple Waterford ou Moira. On ne pénètre jamais dans leurs esprits comme on le fait avec June, mais on les suit et on les comprends mieux. Puisque The Handmaid's Tale, avant d'être une oeuvre engagée et polémique, est avant tout une histoire humaine tragique. Ce qu'a bien compris Bruce Miller qui donne toute la place nécessaire aux personnages et aux acteurs qui les incarnent. C'est eux d'ailleurs qui constituent l'autre force majeure de la série. Dire que le casting de The Handmaid's Tale est impeccable serait être en dessous de la vérité. Joseph Fiennes est aussi glaçant que mystérieux dans le rôle du commandant Waterford, Yvonne Strahovski compose un des personnages les plus complexes de la série entre le monstre et la femme brisée, Ann Dowd endosse le rôle tyrannique de tante Lydia avec la même force qu'elle avait dans The Leftovers. Mais surtout, il y a Elisabeth Moss. En prenant l'habit écarlate de la servante, l'américaine trouve le rôle de sa vie. Elle est, à chaque minute, plus grandiose qu'à la précédente. A la fois colère, tristesse et révolte, l'actrice joue tout à la perfection et émeut comme pas possible. C'est elle, c'est définitivement elle qui porte littéralement le show sur ses épaules. Chapeau. Faisons également mention à la fois d'un sublime personnage secondaire mais également d'une grandiose actrice : l'américaine Madeline Brewer dans le rôle brise-cœur de Janine. Un personnage secondaire qui montre le talent d'écriture insolent de Bruce Miller et de ses scénaristes. Puisque c'est bien l'écriture du show lui-même qui constitue le dernier grand point fort de cette première saison. Il faut dix épisodes à The Handmaid's Tales pour développer son monde, décrire l'avant et comment tout a lentement glissé dans l'horreur mais aussi, et surtout décrire avec minutie une société malade. Mieux encore, le show arrive à "humaniser" d'authentiques monstres par le biais de quelques séquences improbables. Comme lorsque Tante Lydia console Janine de ne pas aller à la soirée, ou comme lorsque l'on suit l'histoire du couple Waterford. Ce tour de passe-passe moral s'avère rien de moins qu'impressionnant. En l'état, c'est comme si l'on humanisait Himmler ou Heydrich...Ce que réussit cependant le mieux la série, c'est à retranscrire l'horreur théocratique décrite par le roman de Margaret Atwood. La série décrit avec minutie la constitution d'un Etat totalitaire où les femmes deviennent des ventres. Instrumentalisées au nom d'un passage biblique, les femmes fertiles deviennent des esclaves qui n'ont plus aucun droit. Elles sont cérémonieusement violées chaque mois (et les premières séquences de la fameuse cérémonie sont insupportables) pour donner des enfants aux épouses stériles des commandants. Il y a encore cette seconde torture, de se faire prendre son enfant, de se le faire enlever (et l'épisode deux, déjà, est insoutenable à ce sujet) pour ensuite changer de maison et.....recommencer ! La série décrit de même l'avant, et a l'excellente idée de faire comprendre au spectateur que l'on glisse. On ne tombe pas. Que petit à petit, la dictature s'installe parce que l'on dort. Parce que l'on ne se bat pas. Dans la situation actuelle des Etats-unis et de la France, la chose est d'autant plus importante à entendre. The Handmaid's Tale est non seulement un plaidoyer féministe d'une dureté extraordinaire, mais également une remise en question de notre obsession de la maternité. C'est certainement là le thème le plus original traité par la série, notamment au cours du fameux épisode 6, A Woman's Place, qui explique en filigrane que l'une des causes de cette folie est l'obsession maladive pour l'humanité d'avoir des enfants. En substance, The Handmaid's Tale est une brillante destruction de la GPA, cette marchandisation du corps de la femme pour pallier à la (malheureuse) stérilité d'autres. Reste que cette série, aussi forte soit-elle sur le fond, reste une intense aventure émotionnelle. Chaque personnages présente des démons, des fêlures,des peines, des tragédies. La somme de toutes ces blessures donne cette première saison sublime, grandiose. The Handmaid's Tale, c'est avant tout l'histoire d'une femme (de femmes !) privée de sa liberté, privée de sa vie, privée de tout. C'est l'histoire d'une révolte, même insignifiante, gravée dans une plinthe ou tombant avec une pierre, qui dit NON. C'est l'histoire d'une femme qui veut se battre malgré toutes les horreurs qu'elle subit. Au fond, le plus important dans The Handmaid's Tale, c'est ça. Ce courage humain devant l'horreur absolue, devant la monstruosité. Un cri dans le silence. Un appel à la raison dans un océan de religiosité qui, pourtant, ressemble de plus en plus à notre siècle (et qui est déjà vécu par certaines femmes en Arabie Saoudite et dans le Moyen-Orient !). C'est une série militante, engagée, féroce et sans demi-mesure. Une série qui fait du bien en nous faisant mal, très mal parfois. Adaptation brillante portée par un casting simplement parfait, cette première saison de The Handmaid's Tale n'est rien de moins qu'un chef d'oeuvre d'une importance primordiale à l'heure actuelle.Un chef d'oeuvre.