Bonjour à tous, et un bonjour tout particulier à Arthur, qui a de la suite dans les idées (ce qui n'est pas pour m'étonner

)A l'épineuse question qui consiste à savoir si le travail de traducteur peut étouffer le travail de romancier... je répondrai que dans mon cas elle s'est posée autrement, puisque j'ai été à la fois très exaltée et découragée par mes essais de roman quand j'avais... 17 ans. La traduction est arrivée comme une bénédiction puisqu'elle m'a permis de manier deux langues qui me passionnent, tout en faisant modestement un travail d'écriture - car en effet la traduction est créatrice, et je suis intimement convaincue qu'on y met la richesse qu'on porte en soi, ainsi que ses défauts, ses tics de langage et ses habiletés diverses. Ce qui tendrait à démontrer qu'un texte traduit est doublement "habité", par son auteur et par son traducteur, lorsqu'il se produit une véritable rencontre... a fortiori quand il s'agit d'histoires de sensibilité comme dans le duo Poe-Baudelaire, Goethe-Nerval (ou Hoffmann-Nerval, pour le coup)... ou Proust traduisant Ruskin avec sa mère, faisant là oeuvre de traduction contestable bien qu'éminemment sensible, mais certainement déjà oeuvre de romancier (et Julia Kristeva en parle très bien, quand elle cite Proust et le commente, et dit qu'écrire c'est traduire le "livre intérieur" : "Ce qui se présente ainsi obscurément au fond de la conscience, avant de le réaliser en œuvre, avant de le faire sortir au dehors, il faut lui faire traverser une région intermédiaire entre notre moi obscur et l'extérieur, notre intelligence, mais comment l'amener jusque-là, comment le saisir ? ». Cité dans "L'autre langue ou traduire le sensible").On pourrait croire que j'ai noyé le poisson mais pas du tout :PEn fait je suis peut-être en train de faire traverser à ce qui se présente obscurément au fond de ma conscience la région intermédiaire entre mon moi obscur et l'extérieur, et dans ce cas le meilleur moyen, le seul, que j'aie trouvé pour ça, c'est la traduction (ce qui a un avantage certain, c'est que si je n'écris plus jamais une ligne en mon nom, j'aurais eu l'immense joie de manier les mots et de faire quelque chose qui me passionne).J'imagine que cette réponse ne satisfera que partiellement Arthur, cela dit :rolleyes:Merci à tous pour les voeux d'anniversaire. Je suis très contente si j'ai pu aussi encourager de futurs traducteurs. La seule chose que je puisse dire c'est que la voie est effectivement très ardue et qu'il faut aussi beaucoup de chance (et d'endurance, parce que c'est un statut très précaire), mais que pour ma part malgré les années difficiles, je ne l'ai jamais regrettée, cette voie.Très bon week-end à tous,Marie