Le Monde a écrit :Déferlante hebdomadaire de films dans les salles, réduction de la durée d'exploitation... Le phénomène n'est plus nouveau. Il a bouleversé la manière de promouvoir le cinéma. Quand la durée de vie moyenne d'un film en salles est de trois semaines environ, la notoriété, le bouche-à-oreille doivent grandir en amont, plusieurs semaines, voire plusieurs mois avant la sortie. Une étude du Centre national de la cinématographie (CNC) montre qu'entre 2001 et 2004 les investissements publicitaires dans les films ont doublé. Et la tendance se poursuit : l'achat d'espace se renchérit et les campagnes grossissent quantitativement. D'après une enquête TNS Media Intelligence (citée par l'hebdomadaire Ecran total) ces dépenses ont encore crû de 15,4 % entre octobre 2005 et octobre 2006, pour atteindre, en valorisation brute (avant négociation), 365 millions d'euros.Avec une progression de 187 %, les films français sont les plus concernés. Arthur et les Minimoys, de Luc Besson, est emblématique à ce titre. La société EuropaCorp s'est livrée pour lui à un matraquage inédit pour un dessin animé français : affichage tous azimuts, agences BNP habillées aux couleurs du film, contrats de licences par dizaines, diffusions d'extraits sur le réseau de téléphonie Orange, travail avec les enseignants...A des degrés divers, cette logique touche pratiquement tous les films. Chez Wild Bunch Distribution, Renaud Davy explique qu'il y a dix ans Mon meilleur ami de Patrice Leconte serait sorti sur 150 ou 200 copies. Aujourd'hui, il en faut le double. Une telle sortie coûte environ 1 million d'euros, dont les deux tiers partent en publicité. Comme pour l'autre film français "à casting" de la semaine, Le Héros de la famille, de Thierry Klifa, la campagne se décline surtout en affichage, et en presse - les plateaux de télévision en priorité, mais aussi, beaucoup, la presse régionale. Susceptible de toucher des catégories beaucoup plus populaires que le public "naturel" du film, l'acteur Dany Boon est son atout majeur : "Il a un fort capital de sympathie, explique Renaud Davy. Rodé aux one-man-shows, il va chercher son public."Les investissements publicitaires les plus élevés sont encore ceux des films américains, mais ceux-ci progressent moins (+ 70 % entre 2001 et 2004). Eragon a fait l'objet d'une campagne massive, "au moins aussi importante" que celle du Seigneur des anneaux, estime Frédéric Moget, le directeur marketing de Fox France. La campagne a été lancée dans les salles, par des achats d'espace de bandes-annonces, et de caissons lumineux pour les affiches."Le film a des effets spéciaux impressionnants : il fallait montrer des images. On a frappé fort aux moments de grand trafic, pour la sortie de Casino Royale, d'Arthur, de Souris City." L'affichage est venu après, massif aussi, "pour créer de la notoriété très vite". Troisième levier, Internet, avec un site du film, des publicités, un blog...INTERNAUTES INFLUENTSIgnorés en 2000, l'Internet et la téléphonie mobile sont devenus des éléments-clés. 10 % des budgets de promotion leur sont désormais consacrés. Pour Borat, le chiffre passe à 20 %, ventilé en toute une palette d'opérations : diffusion de scènes coupées, échanges, discussions sur le film, via des blogs, des sites comme YouTube, MySpace ou Dailymotion, ou des intermédiaires comme Buzzparadise, qui présentent des produits à des internautes influents dans l'espoir qu'ils s'en fassent eux-mêmes les promoteurs. Autre élément-clé de la campagne Borat, le "street marketing" - distribution de flyers et d'objets promotionnels dans des bars et autres lieux fréquentés par la jeunesse - et les avant-premières pour étudiants. La recette a fait ses preuves dans le cinéma de genre.Sur ce segment, Metropolitan Filmexport réunit généralement un minimum de 500 000 entrées par film pour des campagnes évaluées à 500 000 euros (avant négociation). Sa stratégie bien rodée commence sur les campus, où ses films se promeuvent les uns les autres. Les premiers tracts de The Grudge 2 (sortie prévue le 27 décembre) ont ainsi été distribués lors des avant-premières de Saw 3.La méthode est similaire pour les films pour enfants. Sur Piccolo, Saxo et Cie, la communication a été lancée auprès d'instituteurs et de professeurs de musique qui pourraient amener au film, selon l'agence Mercredi, un public de 150 000 et 200 000 élèves. Dix-sept titres de presse enfantine ont été habillés aux couleurs du film. Celles-ci sont également visibles, entre autres, dans tout le réseau de vente de la maison de disques Warner, qui a édité la bande originale.Les stratégies finement ciblées se développent. Ainsi, Le Grand Silence, de Philippe Gröning, documentaire sur des moines retirés du monde, a été promu auprès des diocèses et associations catholiques. Mais pour les distributeurs les plus fragiles, pour les films à petit budget sans sujet fort ni enjeu communautaire, l'équation devient presque insoluble. Le film portugais Transe de Teresa Villaverde (sortie prévue le 27 décembre) ne fait l'objet d'aucune publicité particulière. Son distributeur, Gemini Films, mise sur l'effet de "contre-programmation" pour attirer un public potentiellement frustré de cinéma exigeant en période de Noël. Isabelle RegnierArticle paru dans l'édition du 20.12.06.
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Des notions déjà abordées dans un sujet comme "Narnia et stratégie promo", mais comme ce sont souvent les films de fantasy en général qui sont concernés, du fait de leurs gros budgets et de leur statut de blockbuster...