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par Roland Vartogue
Vala
J'ai pris moi-même le temps de lire le script précédent, et je l'ai trouvé bien plus brouillon que le produit fini. Même si le film était très inégal, on est loin de l'absurdité absolue qu'atteint Darabont (pourtant Dieu sait si j'adore le bonhomme quand il adapte du Stephen King).Après ma lecture il y a quelques années, j'avais fait une liste des idées ratées de ce script pour ceux qui n'auraient pas eu la "chance" d'y jeter un coup d'œil. Pour certaines, il faut vraiment le lire pour le croire tant on touche au plus grand n'importe quoi. Je vous la reproduit ici :1) Notre première image d'Indy : il est en train d'entrer dans un dinner sur le bord de la route et râle sur des gamins qui passent en voiture avec leur musique trop forte. Voilà le grand retour de notre héros 20 ans après : un vieillard aigri qui bougonne. Je préfère largement le début du film où il est déjà prisonnier et doit se sortir de la panade.2) Après ça arrive une scène de resto entre Indy et son pôte (russe, dans cette version). Celui-ci lui explique pourquoi il trouve que l'Amérique c'est génial à cause de la nourriture, du ketchup et des femmes. Des répliques inoubliables pour lancer ce récit donc. Indy va ensuite jouer de la flute indienne devant le soleil couchant (eh oui) et tombe par hasard sur la base attaquée par les russes, car son pôte russe est en fait... un traître russe ! Au passage, je signale aussi que Indy s'infiltre dans la base en piquant l'uniforme d'un garde (comme dans l'arche perdue). Tout ça est donc très créatif.3) Les russes sont tout bêtements venus pour voler du plutonium (passionnant). En conséquence, l'excellente idée des restes magnétiques et de la caisse qu'on retrouve grâce à la poudre est absente.Si vous n'aimez pas la séquence du frigo et de la bombe, apprenez quand même qu'elle était déjà là à l'époque, exactement identique. Indy en profite aussi pour nous sortir un discours anti-nucléaire parfaitement déplacé.4) Puis c'est la séquence "Le cercle des poètes disparus". Viré de l'académie, Indy dit à ses élèves de penser par eux-mêmes, des larmes dans les yeux. Là dessus, notre héros prend une cuite et se met à chanter au milieu du musée de la faculté. Il décide alors (...) de voler les antiquités qu'il a lui-même amassées toutes ces années, en commençant par l'idole de la fertilité du début des aventuriers de l'arche perdue. Idole qui est posée sur un mécanisme d'alarme à pression. Du coup, devinez quoi ! Indy, fort éméché, doit réitérer son exploit de remplacer la statue par un sac de sable dans un simulacre d'hommage au premier film.5) Maintenant que l'intrigue est plus ou moins lancée, un mot sur les personnages. Ils étaient un peu trop nombreux à mon goût dans le film, mais dans le script de Darabont c'est une prolifération de protagonistes inutiles. On enlève Mutt et Irina Spalko (qui m'ont manqué tous les deux au final, à ma grande surprise) et on les remplace par :- Le mari archéologue de Marion, qui est en fait un traître à la solde des russes (ça je l'avais pas vu venir...)- Hama, un guide local qui sert à rien,- Porvi, un traître péruvien et ses deux pôtes qui nous offrent un retournement de situation juste avant la fin en s'emparant des flingues (grand moment de tension dramatique en perspective),- Turner, un agent américain qui sert à rien,- Von Grauen, un ancien nazi sur le retour qui sert à rien,- Un assassin russe dont j'ai pas retenu le nom,- Le président du Pérou, très très méchant,- Un médium engagé par le mari de Marion et qui meurt avec des grenouilles plein la bouche (j'aimerais pas partir comme ça).J'étais perdu la moitié du temps car tout ce petit monde passe son temps à se trahir et à faire des alliances improbables de sorte que c'est à peu près aussi confus que les pires moments de Pirates des Caraïbes 3.Alors d'accord, Marion et Indy se rencontrent plus vite et ont plus de temps à passer ensemble, mais il ne suffit pas que Marion file quelques coups de poings et prenne un flingue de temps en temps pour qu'on retrouve son personnage d'il y a 20 ans. Le récyclage de répliques est utilisé très très lourdement dans le script. Je ne sais pas pour vous mais moi je me rappelle pas à la virgule de phrases entières que j'ai entendues il y a 15 ou 20 ans. Il ne s'agit pas juste d'expressions typiques, non, ce sont des tirades qu'on reprend à l'occasion.Exemple :Indy : Marion Ravenwood, je savais qu'un de ces quatre matins tu repasserais ma porte. Je n'avais pas le moindre doute. C'était écrit, fatal, inévitable. Mais aujourd'hui, c'est moi qui ai quelque chose que tu veux.Je suppose qu'Indy se repasse les aventuriers de l'arche perdue tous les dimanches après-midi quand il a rien d'autre à faire...07) Le final dans la jungle atteint un très haut niveau d'absurdité. On a droit notamment à une attaque de serpent géant (pas juste un gros serpent genre anaconda, non, un serpent géant). C'est à cause la cité alien qui fait grandir les animaux dans ses environs immédiats, voyez-vous. Celui-ci avale Indy tout rond mais se fait tuer assez vite pour que sa victime en ressorte indemne, façon Men in black. L'idée de génie de Darabont c'est que Indy n'a plus peur des serpents dans cette histoire, parce qu'il a vaincu sa frayeur avec le temps. Suite à son séjour dans la panse de ce reptile, il fait une rechute cependant. La boucle est donc bouclée...08) La séquence des fourmis est bien là, sauf que ce sont des fourmis géantes, bien évidemment. Ah et les trois chutes d'eau d'affilées étaient déjà présentes elles aussi... sauf qu'on en a quatre ici.09 ) Grande révélation de la fin du script : les méchants aliens de la fin (oui, ils sont très méchants en fait) sont carrément les instigateurs du concept de religion car leur venue remonte à l'époque des hommes préhistoriques. C'est d'une cohérence remarquable avec l'univers des autres films. On peut donc en conclure que l'arche d'alliance, les pierres de Sankara et le saint Graal n'étaient que des artefacts aliens et que c'est de là que venaient leurs pouvoirs.Soit dit en passant, nos méchants aliens demandent des sacrifices humains et veulent s'emparer du monde, histoire que le parallèle avec Stargate soit encore plus évident qu'il ne l'était déjà.10) La grande scène finale est à la hauteur du reste. Darabont doit se débarasser en vrac des méchants qu'il a amassés dans son scénario. Pour cela, les extra-terrestres leur infligent des sorts divers et variés. Au programme : un type avec la tête qui enfle parce qu'il a voulu avoir toutes les connaissances de l'univers (je préfère tout de même Spalko et ses flammes blanches qui lui sortent par les yeux), un autre qui se fait tuer par la résurection de Adolf Hitler parce qu'il voulait le retour du nazisme, un dernier se fait transformer en grenouille parce qu'il voulait être craint de tous (ben oui, car la grenouille en question génère le venin le plus redoutable du monde, c'est d'une logique implacable). Pour finir dignement tout ça, Indy flingue l'alien à la mitrailleuse en disant : "Bienvenue sur Terre !"Ma seule consolation c'est que Sallah et Henry Jones Sr sont présents au mariage à la fin. Ce dernier chante d'ailleurs "Fly me to the moon" parce qu'il est complètement soul. Oxsley est toujours là, guéri de sa folie et bien vivant, à la différence près qu'il a des pouvoirs télékynésiques permanents, dont il se sert pour faire danser l'argenterie par ses seules pensées. C'est sur cette idée douteuse que Frank Darabont termine son script.Bref tout ça pour dire qu'on a réchappé à bien pire que ce qu'on a eu au final. Je ne peux pas blâmer Lucas d'avoir voulu une nouvelle réécriture après ça. Malheureusement, une seule ne suffisait pas à en faire une suite digne de la Dernière croisade...