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par Milieuterrien
Elbakinien d'Argent
Bon, petite recherche faite,(avec Google et "monde primaire" + Elbakin plutôt qu'avec le moteur de recherche d'Elbakin qui, sauf erreur de manip de ma part, ne gère pas les guillemets et du coup renvoie 5 800 références où apparaissent le mot 'monde' ou bien le mot 'primaire')j'ai trouvé des choses :1) L'expression 'primaire/secondaire' vient de Tolkien2) En substance, Tolkien argumentait CONTRE le monde de Carroll (Alice etc.) à qui il reprochait ses invraisemblances et ses ruptures de cohérence. Il voulait donc que son Arda soit débarrassé de ça. (En principe...)3) Pour Tolkien, les liens entre Arda (monde 'secondaire') et le monde réel ('primaire') sont soit des représentations fidèles.. soit des allégories.Ce qui fait que lorsque la correspondance avec le monde réel n'est pas assurée, l'issue de secours, c'est l'allégorie : par exemple, les orques sont une allégorie de déchéance. Ce qui est un peu dommage c'est que dans ces cas-là, Tolkien semble avoir oublié de se souvenir que les ruptures de cohérence de Lewis Carroll pouvaient AUSSI avoir à voir avec des 'allégories', et que le monde de Lewis Carroll n'était évidemment pas dépourvu de liens avec le monde réel.En résumé sur les points 1) 2) et 3), la position de Tolkien sur les mondes 'secondaire' et 'primaire' s'interprète dans un contexte où il cherche à se démarquer d'une autre oeuvre de fiction, un peu comme un cartomancien critique d'autres cartomanciens tout en faisant quand même de la cartomancie... avec les trucs qui vont avec.A partir de là, la recherche Google met en avant des travaux de conférenciers qui théorisent sur le 'monde primaire' et le 'monde secondaire' vus selon Tolkien.A ce stade, il se produit un décalage, car on escamote l'argument à usage polémique pour verser dans un argument universel au sens académique. Selon cette approche 'académique', il y aurait lieu de chercher la rigueur, la cohérence interne dans l'oeuvre de Tolkien considérée comme sérieuse parce que une autre approche, comme celle de Carroll, serait dépourvue, elle, de cette cohérence interne.C'est là qu'intervient un second glissement sophistique vers la consécration du n'importe quoi. Car tout d'abord, il faudrait considérer comme acquis, comme Tolkien le considérait, que l'approche de Carroll était elle-même dépourvue de cohérence, alors que peut-être Tolkien, très éloigné historiquement et géographiquement des références de Carroll comme la Tea Party, qui évoque métaphoriquement divers débats, voire un épisode de la sécession des colonies américaines (c-à-d dans le monde réel), n'en avait pas forcément saisi la signification lorsqu'il était jeune, surtout s'il postulait que le Wonderland devait être un monde 'réel' et non pas juste un lieu où l'on se pose des questions (de l'anglais 'to wonder') sur ce qui est absurde ou ce qui ne l'est pas : par exemple, à un moment donné, Alice, menacée physiquement d'être décapitée, rompt avec succès la discussion avec la reine qui la menace, simplement en s'exclamant que cette reine n'est qu'une fiction. La traduction française 'Pays des Merveilles' perd dramatiquement tout le double-sens de l'expression 'wonderland', alors que le monde de Carroll est TRES ancré dans le monde réel. Et même probablement davantage que celui de Tolkien.Mais pour en revenir au sujet, l'expression 'monde secondaire' laisse supposer qu'il faudrait considérer comme acquis que si un monde fictif est intrinsèquement cohérent, il peut être davantage pris au sérieux qu'un monde fictif qui ne le serait pas.Or c'est là qu'il faut tirer la sonnette d'alarme, car une cohérence qui ne s'établit qu'au regard d'elle-même est un raisonnement d'emblée dépourvu de cohérence intrinsèque, puisqu'il se ferme à la confrontation avec le réel : Pour dire les choses en une seule image : Morgoth=Morgoth est une proposition logiquement exacte, mais qui n'établit aucunement l'existence d'un Morgoth dans le monde réel. Dans un monde fictif les relations peuvent être en apparence parfaitement conformes aux modalités usuelles de la logique du monde réel : 'Gandalf tue le Balrog donc le Balrog est mort et ne réapparaît plus dans les âges suivants', est chronologiquement cohérent, mais cette propriété ne donne à cette assertion rigoureusement aucune validité cognitive dès lors que dans le monde réel n'existent ni Gandalf ni Balrog.Dans un monde fictif, les relations les plus logiques qui soient restent... totalement arbitraires. Ce qui n'est évidemment pas le cas dans le monde réel.Dans le monde réel, Luigi Brosse, et je conclurai là-dessus pour l'instant, aucun étudiant ne consomme de Lembas car il n'existe aucun aliment, nommé Lembas ou non, qui soit capable comme le Lembas 'elfique' de couvrir une semaine de besoins alimentaires en une seule bouchée.