Cycle terminé hier soir! :)Me première (bonne) impression se confirme : le cycle est parfaitement maîtrisé de bout en bout, Ruckley ne se "perdant pas en chemin", aussi bien au niveau de son style que de son intrigue. On se rend en effet compte que chaque élément trouve sa place dans ce récit, ce qui n'était pas forcément gagné d'avance au vu de l'intensité de ce récit, et de l'éclatement des points de vue.Par ailleurs, je confirme ce que je disais précédemment : Ruckley possède un style bien à lui, et son intrigue est au final assez originale, même si la thématique abordée peut paraître assez voisine de celle d'autres oeuvres existantes.C'est d'autant plus admirable lorsqu'on constate que les trois livres formant ce cycle ont chacun un style propre, très différent les uns des autres, mais qu'ils forment un tout cohérent.Enfin, je ne peux que saluer l'exploit de Brian Ruckley d'avoir maintenu le cap de ce récit, et d'être allé au bout des choses sans dévier : cela a dû être très difficile tant ce récit est psychologiquement insoutenable par moments.J'avoue qu'à titre personnel, j'ai effectivement ressenti ce que certains ont décrit dans leurs commentaires à la lecture du troisième tome : j'avais hâte que cela se termine, pour passer à autre chose.Sauf que ce n'était pas dû à un manque d'intérêt de ma part, ou à un défaut dans le style de Ruckley. Bien au contraire, il est parvenu à rendre une ambiance tellement noire, tellement pesante, tellement sans espoir que j'avais hâte que ça s'arrête, partageant ainsi totalement l'état d'esprit des personnages du roman. On peut donc dire que Ruckley a parfaitement réussi son coup.La seule fois où j'ai ressenti ce genre de sentiment, c'était lorsque j'ai vu le film "la ligne rouge", qui retranscrivait justement la tension psychologique et la perte de repères sur le long terme subies lors d'une guerre. Décrire cette pression constante dans toute sa dureté et sa longueur me semble être un exercice extrêmement difficile, et Ruckley y est parvenu. Chapeau bas pour ça.Enfin, ce cycle peut se targuer de posséder l'un des épilogues les plus originaux, et à la fois les plus justes que j'aie lus : en effet, toute sa portée se trouve dans ce qui n'est pas écrit, dans ce que l'on sait et a ressenti, mais que l'épilogue ne fait que suggérer avec énormément de finesse. Magistral.En bref, si je devais résumer mon avis, je dirais que "un monde sans Dieux" est un véritable travail d'orfèvre d'un point de vue technique et artistique : chaque mot y trouve sa place, et tout y est maîtrisé à la perfection. Par contre, c'est un récit extrêmement dur, voire éprouvant de par le thème choisi et la manière de le développer : c'est à la limite du soutenable par moments. Je ne pense donc pas que ce soit une lecture qui convienne à tout le monde.Mais si vous voulez du sans concession et que la découverte du sens profond du mot "nihilisme" ne vous fait (sérieusement) pas peur, allez-y!
EDIT : j'ai repensé à ton commentaire, Indy, à propos de ton sentiment selon lequel n'avait pas été au bout des choses parce que certains personnages restaient trop "bons". D'après mon ressenti, cette "bonté" relative est justement indispensable pour apprécier tout le reste, d'une part parce que le contraste entre cette "bonté" (relative) et ce qui se passe autour rend l'ensemble encore plus insoutenable, et d'autre part parce que ces personnages constituent un point d'entrée et d'identification du lecteur dans le récit.Et là où je trouve que Ruckley a parfaitement dosé son truc, c'est dans le fait que :
► Afficher le texte
cette bonté se transforme et disparaît au fur et à mesure que les idéaux perdent leur sens dans ce monde, et qu'il ne reste plus des rares survivants que ce qu'ils sont vraiment au fond d'eux.A la fin, ce ne sont pas les idéaux d'Orisian qui triomphent d'Aeglyss, mais sa personnalité, et sa vie. Parce que ce personnage, idéaliste au départ, a été lentement dépouillé de toutes ses illusions, de tous ses rêves, jusqu'à ce qu'il ne reste plus que lui en tant qu'être humain.D'ailleurs, le choix final qu'il fait, et qui lui permet de l'emporter, c'est sur base de ses seuls souvenirs qu'il les fait,sans qu'une quelconque notion de morale intervienne.Et lorsqu'on y réfléchit bien, même le "happy end" n'en est pas vraiment un, parce que les notions de bien et de mal sont devenues totalement absurdes à la fin du récit. Lorsque la société et les idéaux eux-mêmes ont disparu, il ne reste que les hommes et le monde, dépouillés des significations factices que l'on a voulu leur donner, dans toute la terrible vérité de leur être. Il n'y a pas de destin, et la vie n'a pas de sens. La vie est la vie, sans morale, sans autre sens que celui que l'on veut bien lui donner, et sans que ce sens lui-même ait une quelconque importance.C'est ça, selon moi, la véritable thématique de l'oeuvre de Ruckley. Et c'est pour ça que chaque élément est à sa place dans son récit : l'abandon du monde par les dieux est une métaphore sur l'absence de sens de la vie, les comparaisons constantes entre les évènements du livre et la nature qui "suit son cours" en parallèle rappellent l'absence de morale innée du monde, Les personnages "bons" sont utilisés pour décrire la perte progressive d'idéaux qui mène à cette "vérité", et la Route noire n'est là que pour mettre en évidence l'absence de destin...Enfin, c'est comme ça que j'ai ressenti les choses!

EDIT 2 : pour répondre définitivement à la comparaison avec le trône de fer, aussi...
Tu veux dire que c'est mieux que GOT ?
Comme je l'ai dit, c'est différent. Et surtout, je pense que pour réellement apprécier ce cycle, il ne faut pas avoir la comparaison de GOT en tête, sinon on passe à côté du roman.En ce qui me concerne, j'ai trouvé que la similitude avec le trône de fer n'apparaissait réellement qu'à postériori, une fois le cycle fini.Elle est selon moi à trouver dans les thématiques de ces deux cycles, qui peuvent présenter certaines similitudes. Cela dit, là où chez Ruckley cette thématique apparaît comme centrale et évidente, ce n'est pas le cas chez Martin, qui s'éparpille nettement plus. Par ailleurs, le cycle de Martin n'est pas encore terminé, il est donc difficile de dire si "Un monde sans Dieux" et "le trône de fer" partagent réellement une thématique centrale similaire ou non : on ne le saura que lorsque le trône de fer sera achevé, et que son concept central apparaîtra clairement.Par ailleurs, il y a une différence fondamentale entre les deux cycles : le trône de fer est basé sur la surprise et le suspense, alors que c'est l'exact opposé dans "un monde sans dieux".Bref, je le répète : sortez-vous de la tête le trône de fer au moment d'aborder "un monde sans dieux", sinon vous risqueriez de passer à côté de l'essence du cycle de Ruckley.Au fond, je me demande si Atanaheim et Led, qui semblent avoir apprécié ce cycle également, partagent mon analyse...