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D'après ce qu'on m'a dit, une étude GfK de l'an dernier indique qu'entre 2008 et 2018, la France a perdu 800 000 lecteurs (!). Voilà. Même en comptant des gens qui n'achetaient qu'un livre par an, bon, c'est pas très encourageant.
Sinon, évidemment, en tant qu'auteur, on préfère des articles comme le dernier de Télérama (et je dis ça aussi parce que d'autres comme Estelle Faye, Mélanie Fazi ou votre serviteur sont cités en bien, il faut être honnête. :p)

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Juste une remarque, "auteur français traduit", ça ne veut pas forcément dire en anglais ou bien seulement en anglais (Pierre Pevel a été traduit en huit langues -allemand, russe, anglais, italien, afrikaans, néerlandais, estonien, espagnol, tchèque- par exemple). Certains pays de l'Est, notamment, sont très actifs en la matière.

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La question de la population de lecteurs est-elle pertinente ? Le marché anglo-saxon est-il à ce point plus important que le francophone ? (Sans compter les francophones et autres qui lisent en VO). Celà pourrait-il suffire à expliquer le problème ?

Quand on aura réglé le problème des "zones blanches" on aura une population de lecteurs suffisantes.
Il faut aussi comprendre les habitudes de lecture des différentes publics. Dans les classes populaires, les gens achètent plus en maison de la presse qu'en librairie traditionnelle. Mais c'est dans les maisons de la presse que l'imaginaire est le moins représenté. Curieusement ce n'était pas le cas il y a trente ans, où l'on trouvait les Pocket SF, les J'ai Lu SF ou les Fleuve Noir Anticipation. Pourquoi aujourd'hui on ne trouve pas les Folio SF, les Hélios ou les Bragelonne Poche dans les maisons de la presse des petites villes de province ?
Ces mêmes points de vente ont vu leur offre s'étoffer en polar. Si il n'y a pas d'offre, il n'y a pas de demande ou alors seulement une demande limitée des rares passionnés et le passage de commande suffit. Pour passer à la vitesse supérieure il faut savoir trouver le public et le fait fructifier.

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Effectivement !
Après, il faut avoir le temps ou les moyens d'aller les chercher aussi. :( Je me souviens de contacts avec des éditeurs russes et... estonien ou polonais je crois pour Célestopol suite à l'Eurocon l'été dernier.

Je répondais à Apophis !

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Bien entendu, j'ai juste comparé aux auteurs qui se vendent le mieux, mais bien sûr toutes les langues sont concernées.

D'ailleurs je connais quelques auteurs germanophones, slaves, nordiques ou des pays de l'Est, plein de pays qui semblent presque "prédisposés" à bien accueuillir la fantasy, mais qu'en est-il des autres langues romanes ?

La fantasy, ça marche comment en Italie, Espagne... la comparaison a-t-elle un sens ?

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Temliw a écrit :Bien entendu, j'ai juste comparé aux auteurs qui se vendent le mieux, mais bien sûr toutes les langues sont concernées.

D'ailleurs je connais quelques auteurs germanophones, slaves, nordiques ou des pays de l'Est, plein de pays qui semblent presque "prédisposés" à bien accueuillir la fantasy, mais qu'en est-il des autres langues romanes ?

La fantasy, ça marche comment en Italie, Espagne... la comparaison a-t-elle un sens ?

En Espagne il y a un fandom foisonnant et bordélique. Et ça fait longtemps qu'ils ont certaines traduction que nous n'avons pas. Pour les productions nationales ça a l'air plus chaotique. L'éditeur Mundos Epicos qui publiait la plupart des auteurs espagnos de fantasy épiquel ayant arrêté son activité.
Mais c'est tellement bordélique que c'est très difficile d'avoir toute l'info.

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Folio SF a écrit :Je n'ai vraiment pas le temps, et c'est bien dommage, mais n'y aurait-il pas un biais à cet article : son titre ? Parce que, la fantasy française se vend mal, moi, je veux bien, mais... Ah bon ?

Oui mais l'intervieweur (en ce qui me concerne) avait mis la barre haut, me demandant des exemples de ventes au titre supérieures à 100 000ex. Et je me souviens très bien avoir "descendu" avec lui la liste des meilleurs ventes sur les vingt dernières années.

Comment on passe de 20-30 000 ex vendus sur un titre à 100 000 ? C'était précisément la question qu'on m'a posé. Et à mon sens, ça ne peut passer que par une campagne marketing du style de ce que fait Michel Lafon sur Surface d'Olivier Norek. Pourquoi ?
Parce que ce genre, regardez le succès de Michel Robert, ne bénéficie quasiment d'aucune presse.

C'est quand la dernière fois que vous avez vu Jean-Philippe Jaworski à la télévision ?

GD

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Une question me vient à l'esprit : est-ce qu'on pourrait faire cet article avec d'autres genres (policier par exemple) ? Est-ce que c'est une situation spécifique à la fantasy ?

(Et si des articles existent, je voudrais bien les lire).

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Revenons dans le passé. Les années 80 sont pour les littératures de l'imaginaire celles de la génération perdue. À l'époque ça a du mal à se vendre, surtout les Français. Les traductions elles ne souffrent pas trop. La majorité de la production française c'est Fleuve Noir avec PDF et J'ai Lu
La fantasy a commencé à être publié mais la majorité de la production est anglo-saxonne. Après la faillite des éditions Plasma créées par Bruno Lecigne, Fleuve Noir reste comme pour la SF la quasi seule maison d'édition à publier de la fantasy française ( Gabriel Jan, Alain Paris, Michel Pagel, Thomas Bauduret - sous le pseudo de Samuel Dharma, Francis Berthelot, sont quelques uns des auteurs qui ont publié de la fantasy en Anticipation à l'époque).
Mais les auteurs publiés ne sont que le sommet d'un iceberg. Divers fanzines publient des nouvelles de fantasy. Et quelques auteurs prometteurs émergent comme Jean Luc Triolo ( considéré dans les colonnes de Fiction comme l'espoir de la fantasy française), Elisabeth Campos, Angeline Ysengrin. Eric Sanvoisin finit par se reconvertir dans la littérature jeunesse ( et il n'est pas le seul). Mais il y a aussi la première génération d'écrivains rôlistes qui n'a jamais été publié professionnellement.
Fleuve Noir à l'époque n'a pas compris que la fantasy était un genre dont la publication pouvait s'avérer payante. Quelques années plus tard il traduiront des romans dérivés d'univers de jdr. Si à l'époque Fleuve Noir avait publié une collection de fantasy, on n'en serait pas là aujourd'hui. À l'époque le JDR est à son âge d'or et toute une génération a découvert la fantasy par ce moyen. Bref on a une énorme occasion ratée. Et je ne parle même pas des choses dont j'ai entendu parler par la liste Onyre.

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Temliw a écrit :qu'en est-il des autres langues romanes ?

La fantasy, ça marche comment en Italie

Je vais assez souvent faire un tour de l'autre côté de la frontière, et j'en profite pour aller rôder en librairie, bien sûr. Alors, certes, ce ne sont que de petites librairies d'une petite ville de province, mais les genres de l'Imaginaire n'y sont pas vraiment représentés. Et je suis toujours dépitée en règle générale de voir l'écrasante présence des traductions, même pour ce qui concerne le polar, genre où les auteurs italiens sont pourtant excellemment représentés.

J'ai lu d'excellents romans italiens en fantastique (par exemple une série sur un commissaire de police qui, infiltré sous couverture dans une secte, s'est retrouvé avec un démon dans le corps, sans savoir comment s'en débarrasser), mais les seuls romans de SF italiens que j'ai essayé de lire me sont tombés des mains. Quant à la fantasy italienne... je n'en connais pas :-(. Cela dit, si quelqu'un d'autre a des idées et des références, je tenterais très volontiers.

Et je plussoie avec Fabien Lyraud : dans les années 80, seule l'étiquette SF existait, pas la fantasy en tant que genre. Dans mon souvenir, en tout cas. Mais je ne suis pas et n'ai jamais été rôliste, non plus...

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Et je plussoie avec Fabien Lyraud : dans les années 80, seule l'étiquette SF existait, pas la fantasy en tant que genre. Dans mon souvenir, en tout cas. Mais je ne suis pas et n'ai jamais été rôliste, non plus...

Une partie du noyau dur de la SF était même rentré en guerre contre le fantasy autour de Gérard Klein. La fantasy était considéré comme une littérature régressive, celle forcément écrite par des gens qui veulent revenir au moyen âge. Ça ne volait pas haut. Les gauchos du fandom s'en donnaient aussi à cœur joie y voyant une littérature faciste (on en est encore un peu là en Italie si j'ai bien compris. Il semblerait qu'il y ait de la fantasy italienne puisque qu'il existe une catégorie roman de fantasy pour le pris Italia décerné durant la convention italienne).

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Gilles Dumay a écrit :Oui mais l'intervieweur (en ce qui me concerne) avait mis la barre haut, me demandant des exemples de ventes au titre supérieures à 100 000ex.

OK, donc c'est plus un biais, c'est... je n'ai même pas de mots. Combien de livres, tous genres confondus, fiction et non-fiction, se vendent à plus de 100.000 ex ? Donc, bon...

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Peut être aussi faire comprendre que la fantasy c'est pas seulement les fées et les lutins. Je caricature à peine. Il y a de petits festivals dont c'est l'angle d'attaque, dont un que je connais assez bien. Et finalement leur approche de la fantasy couvre une toute petite partie de ce qui existe.

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Hear ! Hear ! Et ce n'est pas parce qu'il y a des dragons qu'on est en fantasy, non plus... Mais même les fans ont du mal avec ça, alors...*

Minute de découragement mise à part, je trouve ta remarque très juste : le genre est beaucoup plus ample et varié que bien des critiques (au moins des critiques habitués au mainstream) ne l'imagine. Il n'est que de voir l'oeuvre de GG Kay, ou des romans comme L'épouse de bois, de Terri Windling ou Les Innamorati, de Midori Snyder, ou, + récemment, Le golem et le djinn, d'Helene Wecker. Oups ! Pardon, je n'ai cité que de l'anglo-saxon traduit ;-D. Pensons à Rois du monde, de Jaworski, alors. Ou aux romans de Cerrutti ou Del Socorro. Ou à la (plus ancienne) pentalogie Reine de Mémoire, de Vonarburg.

* dit celle qui ne se résigne pas à voir Pern, de McCaffrey, classé en fantasy.

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En 2009 aux Utopiales, Fabrice Colin évoquait l'époque où il faisait partie du comité de lecture de Mnémos. Et il expliquait que l'éditeur recevait beaucoup de romans avec des univers très originaux et des intrigues très classiques. Et qu'ils préféraient privilégier l'originalité des intrigues. Est ce qu'à un moment l'on a pas trop sacrifié le worldbuilding au profit de l'originalité des intrigues ? On n'en est plus là certes.
Mais est ce que l'on aurait pas gagner à proposer des univers différents avec des intrigues de fantasy plus classiques pour donner un touche française au lieu de décorums vus et revus ? Est ce que l'originalité d'un univers ne fait pas passer une recette qui dans un setting plus classique paraîtrait fade ?

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Bon, je me lance. En tant que lectrice lambda...

1. Est-ce que dans la tête des lecteurs, le genre "fantasy" n'est-il pas considéré, comme le rock, par exemple (merci, John Lennon... euh...non), comme un genre essentiellement anglo-saxon ?

2. Est-ce que le lecteur lambda ne sera pas plus exigeant vis-à-vis d'un roman francophone que d'un roman anglo-saxon ?

3. Quid de la distribution et de la visibilité des bouquins en librairie ? Y a-t-il une collaboration entre les éditeurs et les libraires (je pense, par exemple, à la publication de Même pas Mort. Que l'éditeur veuille rentrer le plus vite possible dans ses frais par le biais de pré-commandes, c'est compréhensible, mais ça veut dire aussi que ces bouquins pré-commandés ne seront pas exposés en librairie, donc sont destinés uniquement à un public de niche)

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Pour te répondre Lambertine,

1. Je ne pense pas que ça joue (et je n'ai jamais associé le rock aux anglo saxons non plus). Si ça marche mieux là bas, c'est pour moi à cause des moyens mis en oeuvre pour les plébisciter. Habitant en Belgique, j'ai déjà remarqué que nos artistes devaient très souvent faire leur preuves en France pour commencer à marcher à l’international, je dirais que c'est un peu le même concept ici. Il faut percer auprès des éditeurs anglo saxons qui eux sont prêts à mettre les moyens pour propulser une oeuvre sur le devant de la scène.

2. Le lecteur lambda, je pense qu'il s'en fiche. Quand on est pas intéressé plus que ça par la fantasy, on ne les connaît pas les auteurs. Et entre Jaworski et Hélène Wecker on peut se demander qui sonne "le moins français" :p Donc je doute vraiment que ça joue, au contraire une bonne pub "roman du terroir" attirera, je pense, un certain nombre de lecteurs.

3. Je te rejoins sur le fait que la visibilité en librairie importe énormément, moins sur le rapport avec les pré commandes. De toute façon beaucoup de monde passera par amazone avec ou sans elles. Mais une fois de plus, quand je passe à la Fnac, ya un gros présentoir avec les derniers de Martin et de Goodkind, les inédits de Tolkien et un peu de roue du temps... Rien de francophone dedans :(


Ce qui me fait penser : On peut pas braquer les libraires et les obliger à mettre 50% de francophone en présentoir ? :)

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Tarann a écrit :Je parle uniquement du choix d'acheter plus anglo-saxons que français parce que mon expérience m'a appris que je suis plus satisfait des premiers que des seconds. Et ça m'étonnerait que je sois le seul dans ce cas.

Non je te confirme tu n'es pas le seul :sifflote:

Tout comme toi, l'expérience m'a enseigné que la fantasy française n'était, sauf cas particulier, pas au niveau de l'anglo-saxonne.

Et encore lorsque je dis sauf cas particulier c'est plus pour ménager les susceptibilités des plus chauvins d'entre nous ... je serais bien en peine d'en citer un qui soit vraiment exceptionnel.

Au final, chacun son opinion mais le couperet final c'est les ventes.


Temliw a écrit :Pour te répondre Lambertine,

2. Le lecteur lambda, je pense qu'il s'en fiche. Quand on est pas intéressé plus que ça par la fantasy, on ne les connaît pas les auteurs. Et entre Jaworski et Hélène Wecker on peut se demander qui sonne "le moins français" :p Donc je doute vraiment que ça joue, au contraire une bonne pub "roman du terroir" attirera, je pense, un certain nombre de lecteurs.

Dans le rayon cuisine je suis d'accord :P

Temliw a écrit :Ce qui me fait penser : On peut pas braquer les libraires et les obliger à mettre 50% de francophone en présentoir ? :)

Si tu étais à la place du libraire tu aimerais qu'on te force à mettre 50% de fantasy francophone qu'il n'arrivera pas bien à écouler...:wacko:

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Eh ben je pense que tu te trompes en pensant que ça s'écoulerait mal.

Soit le lecteur qui n'y connait rien le prendra (car n'y connaissant rien, il ne verra pas le reste)

Soit le lecteur s'y connaissant ira chercher ce qu'il veut que ce soit exposé ou pas, mais aura peut être l'oeil attiré par le présentoir.

(après, c'est une solution parmi d'autres, pas LA solution)