Bergelmir a écrit : lun. 13 janv. 2025 10:41 Voici le message qui vient d'être envoyé sur le dernier "projet" Ulule de la maison d'édition :

Fin de partie

20 ans et 6 mois, c’est déjà long bien sûr, c’est plutôt une réussite pour une entreprise, me dit-on. Mais cela demeure encore trop court lorsque ça s’arrête : après 20 ans et 6 mois, les Moutons électriques ferment hélas les portes, nous déposons le bilan. Nous aurons lutté jusqu’au bout, mais le concret nous a rattrapé, un vrai mur. C’est la fin d’une chouette histoire. 20 ans et 6 mois avec de belles personnes, de beaux auteurs, des lectrices et lecteurs adorables, mais aussi des galères innombrables, des libraires trop peu nombreux à légitimiser l’indépendance et l’imaginaire, un marché qui ne cessait de réduire. 20 ans et 6 mois et puis s’en va.

Merci infiniment pour votre soutien.

Hélas, une belle aventure s'achève : les Moutons électriques déposent le bilan.

Editeur marquant de l'imaginaire francophone, ils laissent derrière eux un héritage considérable. Ce patrimoine vivra encore longtemps : au travers de nombreux titres qui poursuivront leur aventure d'une façon ou d'une autre dans le fonds des libraires ; au creux de nombreuses bibliothèques, où il gardera une place de choix ; mais aussi au travers d'oeuvres encore à écrire - car pour une génération entière de jeunes auteurs, la ligne éditoriale des Moutons électriques était une référence et une source d'inspiration.

A titre personnel, je leur dois beaucoup : ils m'ont fait confiance sans hésiter, m'ont permis d'éclore et de rencontrer mon lectorat. Etre édité sous le label ovin était un gage de qualité pour de nombreux lecteurs : naitre sous leur étoile, c'était prendre un excellent départ. Pour moi, ce fut un honneur et une fierté. Alors merci, les Moutons, merci pour ces vingt années d'existence, merci pour ces dix (premières) années de Sentiers des Astres, merci pour tous les auteurs que vous m'avez fait aimer (et, bien souvent, rencontrer). Et surtout, soyez fiers du travail accompli ! Vous avez marqué la SFFF francophone d'une empreinte indélébile, personne ne pourra jamais vous enlever ça !

Ce n'est, bien sûr, pas le moment de parler d'avenir. Néanmoins, je tiens à couper court à toute inquiétude : les Sentiers des Astres poursuivront leur aventure éditoriale autrement, et ma soif d'écrire n'a pas diminué d'un galon. Au contraire, ce deuil ne la rend que plu grande.

Jean-Philippe Jaworski

Au cours du festival des Imaginales, un lecteur m’a confié qu’il regrettait que je n’aie pas pris la parole à propos des préjudices subis par les souscripteurs de la campagne Ulule des Moutons électriques intitulée « Jaworski : visions du Vieux Royaume ». Avec équité, mon interlocuteur ne me rendait pas responsable des dysfonctionnements et de certaines promesses non tenues ; toutefois, mes livres étant l’objet de la transaction, il estimait qu’il aurait été plus correct de ma part de manifester mon embarras et ma solidarité aux acheteurs floués. C’est assez juste. D’où ce billet.
Bien sûr, je suis terriblement embarrassé par cette souscription dont les contreparties n’ont été que partiellement distribuées, et parfois avec une grande désinvolture. J’en suis réellement navré pour les acheteurs dont l’enthousiasme et la confiance ont été déçus. À vrai dire, je suis d’autant mieux placé pour les comprendre que je suis dans le même cas. Mes pertes dans cette affaire sont considérables. Sur les 116 000 € rapportés par la souscription, je n’ai pas touché un centime. Non seulement mes droits ne m’ont pas été versés, mais ma crédibilité s’en est trouvée entachée – et ce, alors que je n’ai même pas eu l’initiative de cette souscription, idée de l’éditeur. Certes, je lui ai donné mon accord, mais parce que j’en étais en quelque sorte l’otage… Car sans les bénéfices faits par cette souscription, les Moutons électriques ne semblaient pas en mesure de me verser mes droits d’auteur. En définitive, je me suis trouvé triplement lésé : non seulement cette souscription ne m’a rien rapporté et mon nom s’est trouvé mêlé à ce demi-échec, mais la faillite des Moutons électriques m’a également privé de deux ans de droits d’auteur. Que j’aie réussi (non sans mal) à négocier des délégations de paiement qui m’ont permis de récupérer certains de mes droits dérivés ne me console qu’à moitié de l’étendue de mes pertes, qui représentent l’équivalent de plusieurs années de salaire d’un professeur. (Par exemple, je n'ai rien touché à ce jour sur les ventes des éditions grand format des trois tomes du 'Chevalier aux épines', qui se sont écoulés à près de 30 000 exemplaires.)
Compte tenu de ces circonstances, j’ai préféré me taire pendant plusieurs mois plutôt que d’exprimer des sentiments dont on devinera sans peine la teneur… En outre, une procédure judiciaire étant en cours, j’estimais plus sage de ne pas m’étendre sur la question. Mais je conviens volontiers que mon silence était cavalier pour les souscripteurs qui ont connu des déboires. Sachez que j’en suis navré et que je suis le premier à partager leur indignation. (D’autant que si les Moutons électriques ont évoqué les réelles difficultés conjoncturelles qu’ils ont rencontrées, ils se sont gardés de mentionner publiquement les gains conséquents que leur ont rapportés certains de mes droits dérivés, qui suffisaient par exemple à couvrir les pertes dues à leur litige avec MDS.)
Dans l’interview publiée dimanche sur ActuaLitté, j’étais sincère en exprimant la reconnaissance que j’éprouvais pour les Moutons électriques, parce que c’est la maison d’édition qui m’a permis de lancer ma carrière. Cependant, pour parler net, je ne cacherai pas non plus que ces dernières années ont été particulièrement décevantes.