J'arrive un peu après la bataille, mais me voilà arrivé au bout de ce livre, et voici un avis pas très concis j'en ai peur! ;)Alors, je crois que sur ce livre, c'est non seulement dur de faire court, mais aussi de faire cohérent, donc, pour ceux qui n'auraient pas envie de se taper une énième critique d'un livre qui a déjà été amplement débattu, sachez simplement que j'ai adoré!!!Franchement, j'ai tellement accroché que je me suis mise à lire le plus lentement possible, pour faire durer le livre, c'est toujours ce qui m'arrive avec les livres qui me plaisent vraiment! ;)ATTENTION AUX SPOILERS DANS LE RESTE DU MESSAGE

Pour commencer, je vais revenir sur le début qui nous plonge directement en pleine action, j'ai déjà dit que, contrairement à d'autres, il ne m'avait pas dérangé. J'irai même encore plus loin maintenant, je le trouve très habile. En effet, en commençant directement avec le furvent, Damasio nous évite d'attendre avec trop d'attention cet événement important dans le monde mais qui n'est pas le centre du livre, il nous permet, une fois cette aventure passée, de nous concentrer sur le propos du livre, le furvent n'est pas l'aboutissement de l'aventure, il n'est qu'une composante du monde, une fois qu'on a vu ce que c'est, on peut penser à autre chose. Si Damasio l'avait placé au milieu de son livre, au moment de la flaque par exemple, le lecteur aurait attendu cette échéance avec beaucoup d'impatience vu l'ampleur du phénomène, et aurait sans doute accordé moins d'importance à ce que l'auteur préfère faire ressortir : la Horde qui croit toucher au but mais qui commence simplement à se poser les vraies questions, l'aventure qui ne commencent que maintenant et qui prend une ampleur et une tournure philosophique que les protagonistes étaient loin de soupçonner.

Les 23 persos maintenant...certes, ils ne s'expriment pas tous et n'ont pas tous la même importance, mais j'en garde quand même l'impression de 23 individualités bien disctinctes, et même celles qui n'interviennent que peu souvent sont dotées d'un caractère qui leur est propre à travers le regard des autres. Tous ces personnages sont attachants, et quand l'un disparaît, ça se ressent.

Je trouve la disparition des persos très bien gérée aussi, avec cette sorte de pudeur dûe à l'habitude et à la fatalité de la horde, cette insensibilité apparente que chacun affiche pour garder la force de la horde intact, et la souffrance interne, cachée aux autres, tout cela ressort très bien dans l'écriture, et ça donne une ambiance vraiment très particulière à cette horde très soudée, mais qui ne se retourne pourtant jamais sur les membres qu'elle a perdue.

L'ambiance d'ailleurs, est à mes yeux l'une des grandes réussites du livre, rendre à ce point de réalité un monde balayé par les vents c'est vraiment un coup de maître, même sans le CD, on est vraiment immergé dans ce monde, ses bruits, ses mouvements, on l'est à travers les sensations et la sensibilité de chacun, et c'est très très efficace.

Pour continuer sur les persos, je trouve qu'en plus du fait qu'ils aient tous leur personnalité, ils sont très réussis (et pour moi, c'est archi important sur le fait que j'accroche ou n'accroche pas à un livre, avec des persos de cette qualité, c'était vraiment gagné d'avance avec moi

), et que même ceux que l'on pourrait croire archi-cliché sont finalement moins primaires qu'il ne semble, je pense en particulier à Golgoth qui est très finement construit en fin de compte, alors qu'il était très facile de s'enfoncer simplement dans le cliché, mais ses motivations, ses ambitions, son comportement contre-balancent une apparente simplicité dans la personnalité et on a affaire à un personnage plus complexe qu'il n'y paraît à première vue.C'est aussi le cas de nombreux persos comme Aoi, Oroshi, Erg, etc...On aurait tort de vouloir les cataloguer trop vite.Je regrette un peu par contre le peu de développement d'un perso prometteur comme Pietro et qui, lui, reste un peu trop dans le cliché à mon goût.Quant au perso qui mène finalement le récit, Sov, il est lui aussi surprenant dans sa manière de voir les choses presqu'entièrement axée sur les autres membres de la Horde!C'est d'ailleurs en cela qu'on découvre un groupe riche en individualités, en les voyant réagir et inter-agir à travers le regard de chacun.Un perso intriguant maintenant : Caracole.On accroche ou on accroche pas...personnellement, ce n'est pas le personnage qui m'a fait la plus grande impression, mais j'ai beaucoup aimé le fait qu'à travers lui, on sente l'auteur vraiment s'amuser avec les mots, dans toutes ses répliques, lors du duel contre le stylite, etc...On sent une envie de jouer avec les mots, les phrases, qui ne pouvait pas s'exprimer à travers un autre personnage, et c'est assez agréable à lire...ceci dit, pour être honnête le chapitre du duel est loin d'être mon favori, il ralenti le rythme du livre et constitue un aparté peut-être un poil trop long dans l'aventure.

Par contre, toujours pour rester avec les persos, je reste quand même sur mon impression qu'on n'a pas vraiment tant de styles de narration, la plupart se ressemblent tout de même, ce qui change principalement, c'est la manière dont on voit les choses, pas vraiment comment on les exprime.

L'histoire maintenant...j'ai beaucoup aimé (évidemment!)Déjà parce qu'à travers des scènes variées, des aventures différentes, Damasio arrive à nous donner un vaste aperçu de son monde, certes le livre fait ses 500 pages, mais cela donne l'impression d'avoir connu ce monde plus longtemps, dans un cycle plus vaste.

Par contre, je trouve qu'il y a parfois de petits problèmes d'enchaînements entre les chapitres, et plus globalement, les différents temps de l'histoire...c'est peut-être à cause des ellipses, déjà je ne suis pas hyper fan du principe, enfin surtout pour les longues périodes, mais il faut bien avouer que cela s'impose souvent. Ceci dit, j'ai l'impression que certaines sont moins bien maîtrisées que d'autres, elles arrivent moins naturellement dans le déroulement logique de l'histoire.

Un point que j'ai beaucoup aimé par contre, c'est que jusque dans l'histoire même, l'ambiance du monde et l'entité Horde sont profondemment ancrées, le monde n'est pas qu'un cadre, il est l'histoire, et on n'assiste pas tant à l'histoire d'un héros accompagné de ses amis, mais à l'évolution d'une entité qui transcende les individus, j'aime bien le principe, surtout qu'il est très bien maîtrisé.

Autre chose que j'ai bien aimé aussi, et pourtant, ce n'est pas ce qu'on a l'habitude de voir en fantasy, habituellement, tous les auteurs se donnent un mal fou pour éviter les références à notre monde, dans le but de renforcer la personnalité de
leur monde, ici, Damasio n'a même pas l'air de se poser la question, il enchaîne les références, proverbes, types de langages qui font évidemment référence à notre monde et à son passé historique, et le pire, c'est que ça marche!Ses allusions sont du coup plus parlantes, cela donne un caractère familier, sans pour autant discréditer son monde...Je trouve que le parie était osé, mais qu'il est franchement bien réussi, l'air de rien.

Quant à l'histoire à proprement parler, j'ai beaucoup aimé suivre, comprendre, m'imerger dans cette quête de la horde, dans cette réflexion sur le devoir, sur la foi, sur la quête de sens, et sur la manipulation aussi.

Ceci dit, il me semble que l'"intrigue", si tant est que le mot convienne à cette histoire, se situe sur deux plans simultanément : physique et métaphysique.Sur le plan physique, je dois dire que j'avais senti venir la fin quasiment depuis les premières pages (ce qui me fait bizarre parce qu'habituellement, je ne suis pas très douée pour deviner les fins, et quand j'accroche à un livre, je rentre totalement dans les procédés de l'auteur et je m'en vais tranquillement là où il veut me balader) où on ne comprends pas encore bien l'entêtement de la Horde à contrer à pied alors qu'il y a visiblement des moyens plus rapides d'y arriver, et que ça pue la manipulation à plein nez du côté de l'extrême aval...bref, ça ne m'a pas dérangé outre mesure d'avoir pressentie cette fin (fortement confirmé par la phrase de la tour d'Aerl "La terre est bleue comme une orange", à la rigueur, je ne comprends pas que les persos n'aient pas compris eux-mêmes à ce moment là

) car elle est très bien amenée, l'évolution de la horde, etc...Par contre, je dois dire que je suis un peu déçue par la conclusion du livre métaphysiquement parlant, j'ai une impression d'inachevé, je m'attendais à quelque chose de plus probant sur toutes ses questions de vifs, des neufs formes du vent et des premonitions de Caracole...Je pense qu'on aurait pu arriver à quelque chose de plus abouti avec un peu moins d'extravagance dans les moyens, la fin me semble parfois loufoque, ça part un peu en live en fait...on attend qu'il se passe vraiment quelque chose avec tous ces vifs récupérés et on a l'impression d'entrer dans la quatrième dimension où on nous annonce que chacun affronte ses peurs mais où en fait on ne voit pas grand chose se passer, et où tout reste assez énigmatique et abscons alors que tout était si bien expliqué, même si ce n'était que suggéré, auparavant...Bref, c'est mon grand regret du livre, et c'est souvent par là que les écrivains, même les plus talentueux, pèchent : la fin.La déception est d'autant plus affirmée que Damasio semble vraiment bien maîtriser son sujet jusque là...

Alors, est-ce finalement une fin ouverte?Toutes ces prémonitions, leçons sur le vif, etc, n'étaient-elles destinées qu'à préparer Sov à affronter la plus terrible des révélations, qu'il est revenu à son point de départ, qu'il n'y a pas de source du vent autre que naturelle, et que, visiblement, les hommes sont pour beaucoup dans les chrones qu'ils subissent? Doit-on imaginer un dénouement plus loin que le livre? Sov face à l'Hordre? ou trouvant un moyen de répandre la vérité qu'il a découverte? grâce aux vifs de toutes la Horde? ou simplement se décourageant et se laissant mourir face à l'ampleur de la tâche et du desespoir?A mon avis, il est évident que l'auteur appelle une réflexion personnelle suite à cette fin qui peut être surprenante, mais qui, même si on l'attendait, est tout aussi troublante. Mais ce que l'auteur lance avec cette fin n'est pas tout à fait assez clair à mon goût (alors que beaucoup de ses messages avaient trouvé la juste limite entre la suggestion et le pré-mâché)...Edit (2) cette fin me frustre parce que j'aurai voulu en savoir plus sur les chrones et ces fameuses expériences de l'Hordre dont il est question, et aussi sur les glyphes, à quoi sert qu'Oroshi en parle à Sov en fin de compte? J'aurai voulu que l'implicatoin de l'Hordre dans cette histoire ait une plus grande importance à la fin et qu'il ne s'agisse pas seulement de quêtes d'aboutissement et de survie personnelles, même si ce propos est très intéressant...après avoir contré toute sa vie pour en arriver là, personnellement, c'est en découvrant la vaste tromperie que j'aurai trouvé normal que les persos retrouve la gniaque d'aller demander des comptes ou se délestent de leurs rêves pour réfléchir différemment à leur situation...Et j'aurai aimé une forme plus sobre mais plus parlante de la 9ème forme, parce qu'il est évident que chaque personnage doit faire face à un choix où la survie lui impose de faire tout le contraire de ce qu'il est, mais je ne trouve pas les démonstrations très efficaces...Et je ne comprends pas non plus ce qu'apporte l'enfant d'Oroshi...D'ailleurs, il est dit qu'l absorbe le vif de Callirohé, doit-on en déduire qu'il va aussi absorber celui des autres? Je me demande aussi à quoi servent toutes ses explications sur le vif finalement, il est évident que Sov a besoin de savoir qu'il ne se retrouve pas vraiment seul pour survire, mais au vu de la somme d'explication, j'attendais qu'il découle quelque chose de plus concret de ce savoir...enfin, il y a toute une somme de petits détails sur lesquels j'aurai voulu en savoir plus...ma curiosité a été souvent éveillé par ces questions, par l'idée que le vent et le mouvement puissent être à la base de tout, plein de choses qu'il m'aurait paru vraiment intéressant de développer, je suis un peu déçue d'en rester là à la fin...

Voilà mon seul regret, qui n'est cependant pas suffisant pour me faire lâcher ce livre sans nostalgie, loin de là, je l'ai vraiment adoré, pour sa force d'immersion, son énergie, ses originalités, et tout ce que j'ai déjà cité plus haut, et je le classe largement dans mes ouvrages favoris, bien qu'il me soit plus facile de parler d'auteurs favoris. Entrée en force dans mon top 5 donc...et peut-être même top 3...j'attends d'avoir plus de recul pour le dire! :)Merci Luigi d'avoir subtilement attiré notre attention sur ce petit bijoux! ;)ThysEdit : hop, un petit édit parce que je ne trouvais pas mon message assez long ! En fait, je viens de lire tout le sujet et j'ai omis deux trois choses dans ma critique, si si...D'une part, le vocabulaire rattaché au vent, j'ai vu qu'il a gêné beaucoup de monde, personnellement, j'ai beaucoup aimé, ça donne un petit côté poétique au texte et à la manière d'appréhender et de comprendre les termes.Et ça contraste agréablement avec ces références à notre monde dont je parlais.D'autre part sur l'importance des persos, moi aussi j'aurai aimé voir certains persos s'exprimer plus souvent, je vais citer Erg parce qu'on en a déjà parlé et que c'est aussi un des persos que j'aime bien, je trouve que son expression aurait pu ajouter quelque chose, d'ailleurs, je trouve que l'écriture de son dernier combat, dans lequel il est "2" et parle simultanément, est exceptionnelle, Damasio a du s'arracher les cheveux pour l'écrire ce petit bout de texte tout en restant compréhensible!Mais sur ce point, on ne peut guère repprocher ses choix à l'auteur, il devait en faire, certains justifiés, d'autres peut-être plus motivés par l'affect que par la logique, mais ces choix lui appartiennent après tout.Je réagis aussi à quelqu'un qui disait qu'Oroshi l'avait "laissé froid", j'ai trouvé au contraire que Damasio nous faisait très bien évoluer de l'apparente froideur qu'elle s'impose jusqu'à une connaissance plus intime de sa vraie personnalité et de ce qu'elle en sacrifie à sa tâche. Du coup, je l'ai trouvé très attachante...par contre, cette histoire d'acouchement etc, c'est un peu trop loufoque à mon goût et je ne vois pas ce que ça apporte à l'histoire, passons...Enfin, je suis surprise par le peu de réflexions sur la fin, hormis qu'elle est prévisible mais qu'elle fait son effet tout de même.