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Ce sujet concerne la signification de la beauté en fantasy. Bienvenue nouveaux philosophes! ;) :lol:En fantasy, le beau signifie souvent le bon, et dernièrement, cette tendance tend de plus en plus vers le mauvais également.Ce que je veux dire, c'est que souvent dans les œuvres que j'ai lu - et je me targue d'en avoir lu pas mal - les personnages, les lieux représentant une admiration ou une fascination quelconque sont beaux. Ce qui est souvent le cas surtout pour l'héroïne.Je me surprends à me demander ce que représente pour l'auteur - et également le lecteur - cette beauté. Et je me dis, avec un humour de crise identitaire, que j'aurais peu de place en tant qu' avatar d'un " bon" personnage dans la plupart des œuvres.Je ne cherche absolument pas à savoir si les auteurs discriminent ceux que la nature a moins bien dotés - ce qui m'étonnerait vu que la plupart d'entre eux en font partis (sans vouloir être insultant) - mais quelle signification, quelle symbolique est derrière cette profusion du beau? :huh:

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Interessante question :)La première idée qu'il me vient en tête c'est la tension de la fantasy vers le mythique : les héros des grandes mythologies (Achille par exemple) sont fondamentalement beaux, cela fait partir de leur nature. On entre dans un monde où caractère et apparence sont liés. Les auteurs de fantasy ne ferait alors que reprendre un schéma séculaire. Mais la beauté à son revers ( source à chercher dans le christianisme ? Lucifer est l'ange le plus beau et le plus doué) et les "méchants" les plus fascinants sont souvent les plus beaux ( on devrait trouver de nombreux exemples : Tom Jedusor, etc) Il n'y a qu'à voir l'attraction que produisent les vampires. Ce n'est pas de la fantasy mais je viens de terminer Monster de Urasawa et toute l'ambiguité de ce "monstre" réside justement dans le fait qu'il prend la forme d'un beau jeune blond. Tout y est pour qu'inconsciemment le lecteur refuse l'idée qu'il soit totalement mauvais : beauté, jeunesse et blondeur sont justement ce que l'on associe immédiatement à la beauté. Les auteurs vont donc profiter de ce décalage pour donner force au personnage.A priori je dirai que ce shéma beauté=personnages positifs fonctionnent surtout pour un certain type de fantasy où les codes de la légende ou plus largement du mythe sont encore appliqués mais l'idée est à creuser ! Je vais aller voir ce que Eco en dit dans son Histoire de la beauté.

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On peut aussi noter que la beauté et la laideur peuvent être une façade. Ainsi la Belle découvre la beauté de coeur en dessous de la laideur de la Bête, Sophie dans le Château de Hurle/Ambulant découvre un Hurle superficiel car il pleure un changement de couleur de cheveux... Même Cuchulainn, le guerrier vantard de la Prophétie Maudite tombe amoureux de Brenna, la jeune fille au visage à demi-défiguré.Egalement, on trouve beaucoup de héros avec des cicatrices ou des infirmités comme Emouchet et son nez cassé ou Frodon et son doigt coupé.Il n'est pas dérangeant que le héros ou l'héroïne soient beaux du moment qu'il ait une certaine psychologie (il faut pas qu'elle soit seulement la bimbo ou le playboy de l'histoire) et que cela n'entraine pas une xénophobie dans l'univers (à la porte Grima, c'est pas un beau rohirrim grand et blond !)

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il existe aussi une distinction entre beauté et charisme : ainsi, certains personnages ne sont pas vraiment beau, mais possède "un quelque chose" qui charme , qui ensorcelle. Parfois, c'est même un côté ténébreux, dangereux qui séduit.Dans le catalogue des personnages beaux, on peut trouver, à mon avis, quatre grands types : - le beau-méchant qui cache le mal absolu et séduit tout le monde par sa beauté, un grand classique (Tom jedusor, voire Mélissandre dans Le Trône de Fer)- le beau-gentil-parfait, tellement classique qu'on n'en veut plus (voir les princes charmants ^^)- le beau-et-charmant qui se révèle un nul ou un traître sournois (genre Gilderoy Lokhart), soit méfions-nous des apparences ; les ravissantes idiotes entrent dans cette catégorie- le beau ou la belle torturé et complexe, qu'on retrouve de plus en plus dans les romans, coincé par son image mais qui n'hésite pas à en jouer (Griffith dans Berserk, Jaime Lannister dans le Trôe de Fer, et toutes les héroïnes qui veulent être plus qu'une jolie potiche)Cela dit, c'est vrai que désormais, la distinction beauté physique/beauté intérieure est connue et les auteurs actuels essayent d'aller plus loin...

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Question très intéressante!
souvent dans les œuvres que j'ai lu - et je me targue d'en avoir lu pas mal - les personnages, les lieux représentant une admiration ou une fascination quelconque sont beaux.
Je n'ai pas lu énormément de fantasy mais je pense qu'un élément de réponse se trouve dans ta question. En ce qu'ils sont hors du commun, les personnages (même si certains commencent par être Mr tout le monde, ils finissent par accomplir des actions extra-ordinaires) ou les lieux exercent une fascination, une admiration, et ce qu'ils soient bons ou maléfiques. Et c'est de cette fascination que naît la beauté. En effet quoi de mieux pour caractériser un perso ou un lieu exceptionnel, qu'une beauté exceptionnelle? Fascination, admiration, mystère, la beauté les représente tous mais elle n'est pas la seule. Qu'ils soient beaux ou non, les personnages exceptionnels dégagent tous une "aura" ou des caractéristiques qui témoignent extérieurement de leur unicité: charisme, présence, grâce... Donc pour moi, la beauté c'est ça, un élément parmi tant d'autres qui représente le côté hors du commun. Mais si elle est plus utilisée que les autres, elle n'est pas pour autant systématiquement associée à un perso exceptionnel. Lan, un des "héros" de la Roue du Temps est objectivement décrit comme ugly, mais il ne manque pas de présence et de charisme. Et aux yeux de sa femme, il est gorgeous. Inversement, Joffrey dans le Trône de Fer est physiquement beau mais cette beauté est gâchée par la cruauté et la vanité qu'il dégage.Dans un sens ou dans l'autre, on retrouve finalement toujours l'idée que l'intérieur se reflète sur l'extérieur.

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almaarea a écrit :La première idée qu'il me vient en tête c'est la tension de la fantasy vers le mythique : les héros des grandes mythologies (Achille par exemple) sont fondamentalement beaux, cela fait partir de leur nature. On entre dans un monde où caractère et apparence sont liés. Les auteurs de fantasy ne ferait alors que reprendre un schéma séculaire.
Hum, je ne suis pas suffisament callé en mythologie pour me souvenir si Achille ou Ulysse ou autre est réellement décrit comme étant beau. La question que je me pose est la suivante, ne serait-ce pas plutôt leur rôle de héros, leur charisme (comme expliqué par Luthine) qui leur donne une certaine forme de beauté ?Par ailleurs, en parlant du lien entre fascination et beauté (question initiale d'Anseres), là encore ne serait-ce pas justement cette fascination qui transforme son objet en quelque chose de beau. Je citerais un exemple : quand on évoque la fascination d'un lieu, je pense automatiquement à Fondcombe. Question est-ce que ce lieu est intrinsèquement beau, ou bien est-ce l'aura qu'il dégage (calme, lieu préservé, présence des elfes, architecture "bio", respect du paysage) qui interpelle mes valeurs et me le donne à voir comme beau ?Je pense que l'on est réellement en train d'entrer dans un débat sur qu'est-ce que la beauté :) comment se définit-elle, par quoi est-elle provoquée ?PS : Merci pour ce sujet, je vais tacher de le suivre d'un oeil attentif :D

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Je remarque que ce sont plus les lieux dépeints qui retiennent le plus votre attention... En fait, je dois dire qu'à part les informations capitales sur le physique d'un personnage (taille, poids), je ne retiens quasiment rien. Dans ma tête, presque tous les personnages sont dépourvus de visage.Par contre, comme je lis en anglais depuis peu de temps, et vu la concentration nécessaire pour ne pas se laisser distraire par le monde externe, tous les détails y passent et se gravent dans mon esprit (à part ceux que je ne comprends pas).Harry Potter est un livre qui décrit les personnages de façon tout à fait surprenante quand on lit trop d'Héroic Fantasy par exemple (je sais ça n'a plus rien avoir avec ce que je disais auparavant). Les personnages sont décrits de telle sorte qu'on ne les qualifie pas selon leur beauté ou leur laideur mais avec des comparaisons (le crapeau, si vous voyez de qui je veux parler) ou des descriptions... neutres. Quand j'ai lu que Ron était roux avec des taches de rousseur, je me suis pas demandé à quoi il ressemblait, je m'en suis tenu là... Là où je veux en venir, c'est que les critères de beauté sont influençables et que si on ne s'y arrête pas... on n'y fait même pas attention!

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Je passe en coup de vent sur ce sujet qui mériterait plus de développement mais oui Luigi, Achille est décrit comme étant très beau. Pour Ulysse j'ai un doute, on parle beaucoup de son intelligence et de sa ruse, mais son physique... :huh:

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Il me semble qu'Ulysse boîtait suite à une blessure de chasse...le boiteux, figure traditionnelle et antithètique du beau (on quitte la fantasy, mais voyez le chevalier de Lagardère et le bossu boîteux) comme dans 300 (pour le coup, il est vraiment pas beau Ephialtès).

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Ulysse avait effectivement une cicatrice à la cuisse, due à une blessure infligée par un sanglier dans sa jeunesse. Par contre, je ne crois pas qu'il était boiteux. On imagine d'ailleurs mal un infirme allant à la guerre de Troie. De plus, je ne pense pas que ce soit juste son intelligence qui ait séduit les nymphes Circé et Calypso.Je suis d'accord avec Almaarea sur le fait que la fantasy a certains points communs avec les mythes, dont les principaux héros sont décrits pour la plupart comme beaux. On peut citer les contes de fées aussi, peuplées de belles princesses, de princes charmants (sens très fort qui veut dire fascinant à l'époque où ces contes ont été écrits) et de châteaux enchantés.La beauté dépend aussi de la perception du lecteur. Par exemple, lorsque j'essaie de me représenter Elric, il m'est impossible de m'imaginer qu'il est beau. Pourtant certaines description dans le cycle d'Elric sont plutôt flatteuses. Peut-être parce que la beauté est souvent liée avec la santé ?D'autre part, un beau "gentil" ne me fait pas la même impression qu'un beau "méchant". La fascination exercée par le beau "méchant" a quelque chose de malsain. Elle relève souvent de la séduction dans le but de manipuler un individu : par de "belles paroles", de "belles promesses", voire par la séduction au sens plus "physique" du terme. En revanche, la beauté d'un "gentil" est pour moi une sorte de reflet de sa beauté intérieure.