L'auteure est une spécialiste de la littérature, comme critique pour la Quinzaine Littéraire et le Monde diplomatique, romancière et traductrice à ses heures (voir la fiche sur le site des éditions Christian Bourgois). J'aimerais bien savoir ce qu'elle a lu en fantasy pour développer ses idées autour.Et vous qu'en pensez-vous ?Rêves Obscurs - Evelyne Pieiller - juillet 2012, Le Monde Diplomatique[...]Encore plus frappant est le triomphe de la fantasy, qui, généralement, met en scène les enjeux et tensions de cette sensibilité quelque peu paranoïaque et intensément nostalgique d’un temps où, dans une société organisée selon un ordre clair, chacun était à même de faire ses preuves : l’âme la plus forte, la plus héroïque, la plus capable de sacrifice et de courage dominant alors l’homme du troupeau, selon les lois mêmes de la nature. La fantasy, qui a éclipsé la science-fiction, entreprise de déchiffrement des avenirs possibles, combine souvent les charmes d’un Moyen Age légendaire, guerrier et porté sur les sortilèges à une spiritualité confuse, centrée sur la confrontation avec le Mal. La raison n’ a plus sa prééminence (affaiblissante) sur l’instinct, la technique est redevenue magie, et l’élu s’accomplit dans des épreuves qui sont autant de rites d’initiation, de purification. Le seul conflit qui importe se livre autour du pouvoir, enjeu de la lutte avec les ténèbres : Le Seigneur des anneaux de J.R.R. Tolkien, partiellement inspiré de sagas norroises, et qui a pour moteur la quête de l’anneau unique gouvernant le monde – quand bien même ce serait pour le détruire -, en est l’un des grands modèles. Et va, bien après sa parution en 1954, devenir un immense succès, en se vendant à deux cents millions d’exemplaires.La fantasy rayonne largement au-delà des romans. Elle inspire fortement le metal, mais aussi de nombreux jeux vidéo, jeux de rôle, films à grand spectacles. Elle a ses codes, elle est un esprit : en célébrant l’antimodernité, l’antiégalitarisme, le lien de l’individu à sa tribu, les vertus du monde clos, l’audace et la solitude du chef, en proposant de nouveaux héros, le barbare ou le sorcier, sur fond de surnaturel ou de violence – et même s’il va sans dire qu’elle n’est pas systématiquement écrite par des auteurs cryptofascistes -, les rêves qu’elle offre en partage ne sont à l’évidence pas portés sur l’émancipation collective. Ce passé fantasmatique qu’elle invente, donjons et dragons, désigne comme paradis perdu un univers archaïque, obscurantiste, où le social et le politique se résorbent dans le lent triomphe d’un individu supérieur. Ce qui ainsi se murmure dans l’ait du temps, c’est que l’histoire n’aurait plus de sens, tout comme le progrès ou la démocratie, et que seul le retour à une hiérarchie et à un ordre ancestraux, inscrit dans la nature, pourrait s’accorder à la vérité de l’homme…Evelyne Pieiller
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Lecteur du Monde diplomatique je ne m'attendais pas à y voir apparaître quelques lignes "décrivant" la fantasy.Sur le site du Monde Diplomatique le début de l'article, qui n'est pas encore disponible intégralement, annonce la teneur des propos : idées d'extrême droite et fascisme rampant qui se déploient insidieusement autour de nous. Article prenant prétexte de l'actualité autour du procès de M. Anders Behring Breivik en Norvège.Je vous reproduis ci-dessous la fin de l'article qui met en exergue la fantasy (comme vecteur de la pensée fasciste ?).