Cela faisait longtemps que je n'étais pas venu par ici en tant que contributeur, mais ce sujet m'a attiré!Parce que je pense que c'est une question essentielle pour tout lecteur de fantasy.La fantasy est quand même extrêmement visuelle: paysages, monuments, architecture, tenues, armes et armures, sont des composantes essentielles d'un univers de fantasy. Ils vont en dire long, et faire beaucoup pour caractériser l'ambiance et l'identité d'un univers.Pour moi ledit univers est toujours un personnage extrêmement important, sinon le plus important, d'une histoire de fantasy. Même si les personnages sont léchés, même si l'intrigue est géniale, je n'accrocherai pas ou difficilement à un récit de fantasy si je ne "sens" pas qu'il y a un univers bien caractérisé derrière.Et je trouve effectivement que beaucoup de romans "oublient" un peu cet aspect et son importance. Je n'accroche pas à Gemmel pour cette raison par exemple.Ce manque de références visuelles, de descriptions, d'importance accordée à l'univers matériekl autour des personnages, fait qu'on se retrouve à remplir les cases vides avec des visuels préconçus et qui sont bien souvent archétypaux voire clichés.Pourquoi les films du SDA nous ont tant marqué? Pour le jeu exceptionnel d'E Wood? Pour le scénario qu'on connaissait déjà par coeur? Ce film a un visuel extrêmement travaillé. Mettez des armures en carton pate, des épées bling bling bling bien kitsches, des décors fades et random, même avec les mêmes arcteurs, même avec les mêmes scénaristes et réalisateurs, m'est avis qu'on aurait bien plus vite oublié la chose.Moi aussi j'imagine TOUJOURS les auberges de la même manière: un comptoir avec un gros barbu qui essuie ses verres ou ses chope, une ambiance médiévalo-pub, une cheminée dans un coin, un plafond en bois et hop...Le héros: Rand dans la Roue du Temps, le héros d'un monde sans dieu dont je n'ai même pas retenu le nom, Garion dans la Belgariade, et tant d'autres... pour moi physiquement ce sont des clones... et non, je n'ai pas apprécié plus que ça ces œuvres censées êtres des classiques pour cette raison.Et c'est pareil pour pas mal de trucs en fait. Généralement, les bouquins auxquels j'accroche sont ceux qui me font réellement sortir de ces archétypes, ou qui les subliment (je pense pas que l'originalité soit le problème: un archétype peut être très prenant si il est convenablement manié... genre l'auberge peut avoir l'ambiance qu'on lui imagine, mais avoir un caractère et une identité propre (avec des détails, des éléments qui vont faire que ce sera pas la même auberge que les autres... dans ma tête, c'est le cas pour l'auberge de Kvothe dans le nom du vent). L'exemple le plus flagrant, c'est le Vieux royaume, de Jaworski.... Vous avez lu la nouvelle sur les nains et les gnomes dans "le sentiment du fer"? C'est ultra classique mais quesce que j'ai pris mon pied (comme c'est à chaque fois le cas avec cet auteur).Pourtant il en fait pas des tartines au niveau description (parfois je serais pas contre des romans naturalistes de fantasy...), mais on sent qu'il y a un véritable univers derrière, avec moult références et éléments visuels qui le caractérisent, et du coup il a pas besoin d'en faire des tonnes: je vois sans soucis, et encore aujourd'hui des années après la lecture, les paysages, les têtes des personnages, les équipements, les décors.Et c'est pareil pour les autres écrits de cet auteur: dans "au service des dames", de Janua Vera, il décrit de nouveau un contexte médiéval fantastique extrêmement classique, presque historique, mais le château de la dame là, je l'ai parfaitement en tête et il ne ressemble à aucun autre château qui m'a jamais été donné de "voir" dans un bouquin de fantasy... alors qu'il le décrit à peine!Mais on sent qu'il y a un univers riche, fouillé, qui fait appel à des éléments visuels qui servent de catalyseur à notre imagination et ouvrent une porte vers une véritable représentation cinématographique.Les références à l'Histoire posent également un contexte et une ambiance qui font appel à des tas d'éléménts présents dans notre imaginaire.Dans la plupart des oeuvres de fantasy, on se contente de nous brosser un contexte vaguement médiévalo-Renaissance finalement assez flou...Et mine de rien, l'appel à l'Histoire, à ses clichés, ses fantasmes et ses "réalités" est essentiel en fantasy (puisqu'on parle d'un genre qui se déroule à 80% dans des univers au niveau social, technologique,économique et politique inspirés par des périodes antérieures à la nôtre). Là encore, peu importe qu'il soit original pourvu qu'il soit bien caractérisé et personnalisé (quelques termes ne suffisent pas).Exemple qui m'a bien déçu: quand j'ai commencé à lire "Un monde sans dieux" certains mots comme "thanes" et les noms des clans m'avaient amené à commencer à m'imaginer un univers typé basé sur les cultures anglo saxonnes du Haut Moyen Age (ce qui a été peu fait finalement depuis les rohirims, et étant passionné par cette période, c'est ce qui m'avait attiré vers ce bouquin). Mais rapidement, on s'aperçoit qu'on à affaire à un énième avatar de ce monde "médiévalisant" flou où on retrouve féodalité, pouvoir central fort, cités de pierre très étendues, armures lourde et chevalerie....etc. Pas du tout ce que j'avais imaginé à la base.Et pourtant un contexte "classique" peut être hyper immersif et prenant (après tout, c'est avec ces univers dit "classiques" qu'on s'est mis à aimer la fantasy... enfin moi en tous cas, et ces ambiances me manquent souvent). Honnêtement, pour citer encore un exemple: les bouquins de "The Witcher" ne m'ont vraiment pas emballé (encore que certaines nouvelles sont plutôt sympathiques) justement parce qu'on a très peu de descriptions ou d'évocations qui caractérisent l'univers.Et regardez à quel point le jeu video a sublimé cet univers, ce personnage, ces histoires! Encore une fois, le visuel a une importance extrême en fantasy.Du coup, comme souvent, le style de l'auteur et ses priorités jouent énormément.
Est-ce qu'un artiste de son calibre ne "voit" pas d'avantage et mieux que l'auteur lui-même ?
Les artistes qui illustrent des univers fixent en effet parfois bien mieux un univers visuellement que l'auteur, en effet, j'en suis convaincu.Que serait la Terre du Milieu sans John Howe et Alan Lee?Par contre, ils se concentrent sur un moment M ou un lieu, personnage particulier d'une histoire/ d'un univers.Mais quand on lit un roman, on change perpétuellement de situation et on a pas le temps de s'attarder à imaginer tous les détails d'un costume, d'un personnage, d'un paysage....etc. Et ce sont bien les détails qui font la richesse d'un visuel.C'est le style et l'univers que l'auteur met en place qui vont faire qu'il va arriver à faire passer des ambiances et des visuels très détaillés en quelques lignes: avec un texte très évocateur, il fera appel à tout notre imaginaire "en sommeil" qui va nous brosser un tableau marquant d'une situation.Très souvent, les bouquins de fantasy que j'ai tenté de lire ou que j'ai lu me sont tombés des mains parce que je n'y retrouvais pas cette puissance d'évocation.Merci à ceux qui ont le courage de lire mon long post.