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Et encore lorsque je dis sauf cas particulier c’est pour ménager les susceptibilités des plus chauvins d’entre nous...

Comme c’est honnête et élégant de ta part de ramener la position de ceux qui ne sont pas d’accord avec ton jugement très objectif sur toute la fantasy française au chauvinisme...

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Je pense que ce n'est pas un hasard que les ventes en roman noir ont décollé quand les deux principales collections ont augmenté la proportion de francophone.
Aujourd'hui Mnémos, ActuSF, les Moutons Electriques font un travail plus que correct sur les francophones. Bragelonne a augmenté le nombre de francophones proposées notamment grâce à sa collection Snark. Mais ils ont encore un effort à faire pour aller un peu plus loin je pense.
L'Atalante est encore insuffisant sur les francophones.
Je pense que la proportion d'un tiers serait bonne pour commencer. Un fois que les principaux éditeurs y seraient, les choses commenceraient à changer.

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Est ce qu'une locomotive, un genre de Damasio en fantasy pourrait changer la donne ? Lui était à La grande librairie hier soir. Par contre je n'ai pas idée de l'impact que ça a sur la sf francophone.
Si l'enfer est ici alors autant s'en faire, si l'enfer est ici alors autant s'en faire, s'en faire un paradis. --- Shaka Ponk

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En tant que libraire des littératures dites "de mauvais genre", je sais que dans mon rayon les auteurs francophones sont mis en avant. Pas par chauvinisme, mais juste parce qu'on marche au coup de coeur, et coïncidence ? bah ce qu'on lit nous plaît.
Donc oui, il y a de la qualité francophone, elle existe, cependant elle n'est pas assez mise en avant par les médias à mon sens - et peut-être il y a t-il des à-priori du côté des clients ? J'ai déjà dû à de nombreuses reprises me lancer dans des débats avec des clients qui me soutenaient que les français n'écrivaient rien.
Memento mori

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Habitant en Belgique, j'ai déjà remarqué que nos artistes devaient très souvent faire leur preuves en France pour commencer à marcher à l’international,

Ça me rappelle une remarque d'Alain Névant chez Bragelonne expliquant que certains titres marchaient mieux en Belgique qu'en France. Quand on voit la différence au niveau du nombre d'habitants, l'on se dit qu'il y a un problème en France avec l'imaginaire.

Est ce qu'une locomotive, un genre de Damasio en fantasy pourrait changer la donne ? Lui était à La grande librairie hier soir. Par contre je n'ai pas idée de l'impact que ça a sur la sf francophone.

Une locomotive, pourquoi pas. Mais il vaudrait mieux un auteur moins clivant que Damasio. Brodage a une époque a été cette locomotive. Mais il vaut mieux plusieurs locomotives pour tirer les ventes vers le haut.


Sinon on tire assez peu parti de notre terreau culturel pour créer des courant qui n'appartiennent qu'a nous. Il y a pléthore de steampunk victorien tandis que le steampunk napoléonient ne s'est absolument pas développé chez nous par exemple. Il y n'y a qu'une poignée d'auteurs qui font du cape et épée fantasy alors que les américains n'ont aucun problème pour tremper leur genre emblématique qu'est le western dans la fantasy.

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Temliw a écrit :Pour te répondre Lambertine,

1. Je ne pense pas que ça joue (et je n'ai jamais associé le rock aux anglo saxons non plus). Si ça marche mieux là bas, c'est pour moi à cause des moyens mis en oeuvre pour les plébisciter. Habitant en Belgique, j'ai déjà remarqué que nos artistes devaient très souvent faire leur preuves en France pour commencer à marcher à l’international, je dirais que c'est un peu le même concept ici. Il faut percer auprès des éditeurs anglo saxons qui eux sont prêts à mettre les moyens pour propulser une oeuvre sur le devant de la scène.

2. Le lecteur lambda, je pense qu'il s'en fiche. Quand on est pas intéressé plus que ça par la fantasy, on ne les connaît pas les auteurs. Et entre Jaworski et Hélène Wecker on peut se demander qui sonne "le moins français" :p Donc je doute vraiment que ça joue, au contraire une bonne pub "roman du terroir" attirera, je pense, un certain nombre de lecteurs.

3. Je te rejoins sur le fait que la visibilité en librairie importe énormément, moins sur le rapport avec les pré commandes. De toute façon beaucoup de monde passera par amazone avec ou sans elles. Mais une fois de plus, quand je passe à la Fnac, ya un gros présentoir avec les derniers de Martin et de Goodkind, les inédits de Tolkien et un peu de roue du temps... Rien de francophone dedans :(


Ce qui me fait penser : On peut pas braquer les libraires et les obliger à mettre 50% de francophone en présentoir ? :)

Tu n'assimiles pas le rock aux Anglo-Saxons, mais beaucoup le font. Que ce soit dans mon entourage ou dans les commentaires des média, Ja c'est flagrant. On pourrait dire la même chose des films à grand spectacle : les Français savent en faire, mais ils en font peu (ça coûte cher) et quand ils en font, le public n'est pas au rendez-vous. Ou des séries télé.
Et je ne parle pas du fait que "ça marche mieux là-bas", mais que ça marche mieux ici, et pas vraiment pour des raisons de promotion et d'argent.

Le lecteur lambda, c'est aussi celui qui aura (souvent) ces à-priori décrits plus haut. Et les livres lui sont aussi destinés, même s'il ne s'intéresse "pas plus que ça" à la Fantasy. Pas plus qu'un autre genre, la Fantasy n'est destinée à un public d' "initiés", il ne faut pas de "clés" pour en lire. Et si l'on ne connaît pas les auteurs, il n'est quand même pas difficile de comprendre qu'Estelle Faye, Fabrice Colin, Catherine Dufour, Laurent Gennefort, Emmanuel Chastelière ou Jean-Philippe (j'insiste sur le Jean-Philippe...) Jaworski ont peu de chance d'être originaires du Nebraska ou des Highlands.

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Fabien Lyraud a écrit :Aujourd'hui Mnémos, ActuSF, les Moutons Electriques font un travail plus que correct sur les francophones. Bragelonne a augmenté le nombre de francophones proposées notamment grâce à sa collection Snark.

N'oublions pas Critic qui, il me semble, ne publie presque qu'exclusivement des auteurs français.

Pour l'instant, je n'ai lu qu'un roman fantasy de chez eux, L'Empire du léopard, et c'est l'un des rares bouquins français que j'ai adoré.

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Marrant, contrairement à certains ici, moi c'est la fantasy US que j'ai fini par arrêter de lire. Tous ces cycles interminables présentant un médiéval si peu fouillé et la quête trop archétypale du Voyage du Héros, le tout servi par un style certes fonctionnel mais sans grande personnalité...
(je caricature mais pas tant que ça)

Alors qu'en français, je m'éclate avec de belles plumes qui n'hésitent pas à explorer d'autres horizons.
Il y a de la variété, une réelle connaissance du passé fantasmé sur lequel se bâtissent les univers imaginaires (et donc une meilleure crédibilité, une plus grande solidité), un style marqué. Une réflexion même sur le genre, même (le Bâtard de Kosigan ne parle que de ça : pourquoi la fantasy est-elle rejetée en France - et la saga en propose une explication diégétique !). La saveur épique d'un Stefan Platteau, avec son mélange indo-celtique particulièrement travaillé, je n'en ai jamais lu l'équivalent chez nos voisins d'outre-atlantique. L'implacable construction des Dieux Sauvages montre que Lionel Davoust maîtrise à la perfection le contexte historique dont il s'inspire - lui permettant le tordre et de l'insérer dans son imaginaire en lui gardant toute sa puissance mythique.
Le relatif plus grand athéisme des français par rapport aux USA permet de mieux se lâcher sur le plan spirituel, de traiter des religions sans politiquement correct, d'aborder frontalement un certain féminisme, de briser les chaînes de l'hypocrisie.

Bref. Tout dépend évidemment de ce que chacun cherche (et si on a envie de se détendre avec quelques volumes de la Roue du Temps, c'est sûr qu'il veut mieux éviter la lecture des Rois du Monde). Mais je doute vraiment que l'on puisse objectivement soutenir que les auteurs français de fantasy n'ont pas le niveau de leurs équivalents anglo-saxons...

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Romain d'Huissier a écrit :Marrant, contrairement à certains ici, moi c'est la fantasy US que j'ai fini par arrêter de lire. Tous ces cycles interminables présentant un médiéval si peu fouillé et la quête trop archétypale du Voyage du Héros, le tout servi par un style certes fonctionnel mais sans grande personnalité...
(je caricature mais pas tant que ça)

Alors qu'en français, je m'éclate avec de belles plumes qui n'hésitent pas à explorer d'autres horizons.
Il y a de la variété, une réelle connaissance du passé fantasmé sur lequel se bâtissent les univers imaginaires (et donc une meilleure crédibilité, une plus grande solidité), un style marqué. Une réflexion même sur le genre, même (le Bâtard de Kosigan ne parle que de ça : pourquoi la fantasy est-elle rejetée en France - et la saga en propose une explication diégétique !). La saveur épique d'un Stefan Platteau, avec son mélange indo-celtique particulièrement travaillé, je n'en ai jamais lu l'équivalent chez nos voisins d'outre-atlantique. L'implacable construction des Dieux Sauvages montre que Lionel Davoust maîtrise à la perfection le contexte historique dont il s'inspire - lui permettant le tordre et de l'insérer dans son imaginaire en lui gardant toute sa puissance mythique.
Le relatif plus grand athéisme des français par rapport aux USA permet de mieux se lâcher sur le plan spirituel, de traiter des religions sans politiquement correct, d'aborder frontalement un certain féminisme, de briser les chaînes de l'hypocrisie.

Bref. Tout dépend évidemment de ce que chacun cherche (et si on a envie de se détendre avec quelques volumes de la Roue du Temps, c'est sûr qu'il veut mieux éviter la lecture des Rois du Monde). Mais je doute vraiment que l'on puisse objectivement soutenir que les auteurs français de fantasy n'ont pas le niveau de leurs équivalents anglo-saxons...

Vous n'avez effectivement pas du lire grand-chose en Fantasy anglo-saxonne récente pour tenir un discours pareil. Surtout pas Guy Gavriel Kay qui, en matière de reconstruction d'un passé mythique, n'a de leçon à recevoir de personne. Surtout pas la masse grandissante de Fantasy postmédiévale, inspirée par la Révolution (McClellan, Wexler, etc), la période victorienne (Gaslamp Fantasy), le début du XXe (Gladstone, Bolender, etc), la Seconde Guerre Mondiale (McClellan, encore), les années 70 (Dan Stout) et j'en passe, le tout dans des mondes secondaires. Ni tous les auteurs anglais ou américains qui placent leur histoire dans un cadre extra-européen et parlent de mythologies ou d'ethnies n'ayant rien à voir avec le vieux continent non plus (cf Tasha Suri et sa Fantasy moghole, Jy Yang ou Ken Liu, etc). Et pour ce qui est du féminisme ou du fait d'aborder frontalement certains problèmes, vous avez littéralement des années de retard (lisez Jy Yang, par exemple), même s'il est vrai que c'est plus visible en SF UK / US qu'en Fantasy.

Bref, vous avez de la lecture à rattraper. En espérant que vous lisiez en anglais.

Pour ce qui est du fond du problème, puisque je suis là, je vais exprimer mon avis : je suis comme certains, dans le sens où de la Fantasy française, j'en lis, mais jusqu'ici, j'appréciais en gros un bouquin sur 4, contre 3/4 chez les anglo-saxons. Même si ces derniers temps, il y a, notamment chez Critic, des livres que j'ai trouvé de grande qualité. Néanmoins, avec un ratio pareil, et des goûts qui font que ce que proposent les anglo-saxons me convient mieux, j'aurais évidemment plus tendance, si j'hésite, en terme de budget, entre deux livres, à choisir l'anglo-saxon. Car il y a, outre l'affinité plus ou moins grande, un autre facteur à prendre en compte : les bouquins anglo-saxons en VO sont nettement moins chers, surtout en version électronique. Donc pour moi, qui lit plus en anglais qu'en français (traduit ou rédigé directement dans cette langue), le choix est souvent vite fait. Même si mon cas sera évidemement loin d'être transposable à tout le monde;

Je dirais aussi ceci : je suis tout à fait d'accord pour dire qu'il y a de bons auteurs de Fantasy en France (Pevel, Jaworski, Gaborit, etc). Mais de là à dire, comme je l'ai lu, qu'on rivalise sans problème avec Tolkien, Hobb, Gemmell et Martin, je ne suis pas vraiment d'accord. Contrairement à d'autres genres littéraires, où nos auteurs peuvent s'exporter et / ou toucher un vaste lectorat, la Fantasy française a du mal à produire ce genre de locomotive (je parle de Fantasy vendue comme telle, bien entendu), de chef-d'oeuvre touchant des gens issus de pays ou d'horizons culturels très différents. A part peut-être Pierre Pevel, par exemple, traduit dans une dizaine de langues. Mais non, nous n'avons pas d'équivalent du Seigneur des anneaux (le livre, qui a donné la trilogie de films, phénomène mondial), et certainement pas de GoT (et sa série phénomène).

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Bref, vous avez de la lecture à rattraper.

Ou bien je m'amuse à faire la caricature inverse de ce que j'ai lu ici. ;) Sous ta propre plume à l'instant, d'ailleurs.
(et apparemment, ça mord)
(mais y a un fond de vérité : je trouve une voix dans la fantasy française que je ne trouve nulle part ailleurs - et elle me plait)
Et s
i au final, tout cela était aussi dû à une question de goûts personnels ? Quant à se demander pourquoi on n'a pas de Tolkien ou de Martin en France - avec leur cortège d'adaptations fastueuses -, l'interrogation me paraît si grotesque que je ne peux croire qu'elle soit sérieuse.
On voit beaucoup de blockbusters française, que ce soit à la télé ou au ciné ? Ce biais est le même que celui de l'article : blâmer les auteurs pas assez doués sans même s'interroger sur le système de production cinématographique et télévisuel dans lequel la France s'inscrit...

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Fabien Lyraud a écrit :Sinon on tire assez peu parti de notre terreau culturel pour créer des courant qui n'appartiennent qu'a nous. Il y a pléthore de steampunk victorien tandis que le steampunk napoléonient ne s'est absolument pas développé chez nous par exemple. Il y n'y a qu'une poignée d'auteurs qui font du cape et épée fantasy alors que les américains n'ont aucun problème pour tremper leur genre emblématique qu'est le western dans la fantasy.

Oui, je suis bien d'accord avec ça. D'ailleurs, le seul roman de fantasy que j'aie lu situé en France pendant la Révolution française (si je mets à part la pentalogie de Vonarburg, Reine de Mémoire, qui est une uchronie) est écrit par une américaine ! Pour info, il s'agit de The porcelain dove, de Delia Sherman (non traduit).

Romaind d'Huissier a écrit :Marrant, contrairement à certains ici, moi c'est la fantasy US que j'ai fini par arrêter de lire. Tous ces cycles interminables présentant un médiéval si peu fouillé et la quête trop archétypale du Voyage du Héros, le tout servi par un style certes fonctionnel mais sans grande personnalité...
(je caricature mais pas tant que ça)

Oh si, tant que ça ! Il faut lire Terri Windling, Delia Sherman, Ellen Kushner, Patricia McKillip, Midori Snyder etc. Des plumes superbes, originales et d'ailleurs rares. Et à peu près inconnues en France, car non traduites.

Et cela ne m'empêche en aucun cas d'apprécier la fantasy francophone (dont la vôtre ;-), que je lis avec beaucoup de plaisir, et dont j'ai d'ailleurs dit du bien, ici et ailleurs).

Après, en ce qui concerne le prix d'achat des livres, que ce soit sur papier ou sur liseuse, je ne peux que me déclarer d'accord avec Apophis. En revanche, comme je m'ennuie à mourir avec Robin Hobb, et que je trouve le style de Gemmell indigent, je ne le rejoindrai pas là-dessus. Tolkien est un cas à part.

Par ailleurs, il me semble devoir rappeler ici quelque chose qui me semble avoir été évoqué plus haut, à savoir que les gros moyens d'adaptation (et ce sont les adaptations qui font connaître les oeuvres littéraires, et qui font donc bondir les ventes) appartiennent au monde anglo-saxon. Or ce monde anglo-saxon ne connaît pas les oeuvres françaises parce qu'elles ne sont pas traduites en anglais. C'est grosso modo ce que disait Romain d'Huissier dans son dernier message, sauf erreur de ma part.

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Lisbei a écrit :Oh si, tant que ça ! Il faut lire Terri Windling, Delia Sherman, Ellen Kushner, Patricia McKillip, Midori Snyder etc. Des plumes superbes, originales et d'ailleurs rares. Et à peu près inconnues en France, car non traduites.

Je suis désolé, mais toutes ces autrices ont été traduites, même si dans le cas de Delia Sherman ses œuvres principales sont toujours inédites en français :
- Terri Widling, l'épouse de bois
- Midori Snyder, Les Inamorati (un chef d'oeuvre, un de mes romans préférés ever)
- Ellen Kushner, A la pointe de l'épée et Thomas le rimeur (deux très chouettes romans)
- Patricia McKillip, plusieurs titres dont une intégrale Cygne.

Elles n'ont pas trouvé leur public (malgré souvent une très bonne réception critique) ou le public ne les a pas trouvées.

GD

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@Gilles Dumay, Du coup, à l'aune de cette information c'est la fantasy française qui se vend mal ou la fantasy qui se vend mal en France ? Un auteur francophone aurait-il de l'intérêt à se tourner vers des maisons d'éditions canadiennes ?

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Temliw a écrit :@Gilles Dumay, Du coup, à l'aune de cette information c'est la fantasy française qui se vend mal ou la fantasy qui se vend mal en France ? Un auteur francophone aurait-il de l'intérêt à se tourner vers des maisons d'éditions canadiennes ?

Comme l'a laissé entendre Pascal Godbillon (qui n'avait pas le temps de développer) la fantasy de langue française se vend plutôt bien (si on compare ce qui est comparable) : Anne Robillard, Jean-Louis Fetjaine, Michel Robert,Jean-Philippe Jaworski, Pierre Pevel, Stefan Platteau, Pierre Grimbert, Mathieu Gaborit et j'en oublie sûrement.
Si on classe Autre-monde de Maxime Chattam en fantasy, ça dépote par palettes entières.
Pareil pour La Horde du contrevent, qui me semble davantage relever de la fantasy que de la SF.
Après on n'a pas en français l'équivalent du phénomène médiatique Le Trône de fer (enfin si, Les Rois maudits, mais ce n'est pas de la fantasy).

C'est comme tout, il y a des auteurs qui vendent et d'autres plus nombreux qui vendent beaucoup moins.

Pourquoi se tourner vers les maisons d'édition canadiennes, puisque la plupart des maisons françaises vendent au Canada ; là, pour le compte, c'est lâcher un gros marché potentiel pour pas grand chose. Rien n'empêche d'être publié en France et de bénéficier d'une édition canadienne en sus, comme certains bouquins US qui ont une édition anglaise distincte. (J'arrête là pour cette partie de la question, ça risque de devenir trop technique.)

A mon sens, le vrai problème que personne n'a envie d'aborder, c'est que dans un marché en surchauffe (surproduction) les nouveaux auteurs ont moins de chance de percer que dans un marché plus raisonnable. En imaginaire, le nombre de parution diffusées est totalement hallucinant (1500/an) auxquelles s'ajoutent tous les trucs non diffusés qu'on peut acheter en salons ou par correspondance. Comme le CA était en baisse sur 2018, il y a forcement des morts, des auteurs qui passent totalement inaperçus ou d'autres dont les ventes s'effondrent et passent sous le seuil de rentabilité.

GD

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Gilles Dumay a écrit :
Lisbei a écrit :Oh si, tant que ça ! Il faut lire Terri Windling, Delia Sherman, Ellen Kushner, Patricia McKillip, Midori Snyder etc. Des plumes superbes, originales et d'ailleurs rares. Et à peu près inconnues en France, car non traduites.

Je suis désolé, mais toutes ces autrices ont été traduites, même si dans le cas de Delia Sherman ses œuvres principales sont toujours inédites en français :
- Terri Widling, l'épouse de bois
- Midori Snyder, Les Inamorati (un chef d'oeuvre, un de mes romans préférés ever)
- Ellen Kushner, A la pointe de l'épée et Thomas le rimeur (deux très chouettes romans)
- Patricia McKillip, plusieurs titres dont une intégrale Cygne.

Elles n'ont pas trouvé leur public (malgré souvent une très bonne réception critique) ou le public ne les a pas trouvées.

GD

J'ai lu les oeuvres que vous citez en français (et cela me fait plaisir de voir que vous partagez mon avis à propos des Inamorati), mais elles ne représentent qu'une partie (petite, dans le cas de McKillip : j'en dirais ce que vous dites de Sherman) de leur oeuvre. Cela dit, je suis bien d'accord avec vous : elles n'ont pas trouvé un public en France. Pas suffisant, en tout cas. Je pourrais soupçonner que les attentes du public français sont très "formatées" par le corpus de textes traduits le plus important (Glen Cook, Gemmell, voire Eddings, Feist, Martin et autres Hobb, pour ne citer qu'eux), et que les lecteurs français pourraient avoir tendance à être pris à rebrousse-poil par des oeuvres sortant notablement des sentiers battus. Et d'ailleurs, ne serait-ce pas aussi ce qui détourne les lecteurs français de nos auteurs hexagonaux ?

Cela dit, ne nous plaignons pas trop : étant en Italie hier, je suis entrée dans une petite librairie qui était sur ma route. Quand j'ai demandé à la charmante personne qui la tenait, elle m'a fort aimablement dirigée vers le rayon SFFF... où tous les romans étaient des traductions ! Quand j'ai demandé à voir des romans d'auteurs italiens dont j'avais relevé les noms sur Internet, elle n'a même pas pu les trouver sur l'ordinateur :-((. Il y a donc des auteurs encore plus mal lotis que les nôtres, visiblement !

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Lisbei a écrit :Je pourrais soupçonner que les attentes du public français sont très "formatées" par le corpus de textes traduits le plus important (Glen Cook, Gemmell, voire Eddings, Feist, Martin et autres Hobb, pour ne citer qu'eux), et que les lecteurs français pourraient avoir tendance à être pris à rebrousse-poil par des oeuvres sortant notablement des sentiers battus. Et d'ailleurs, ne serait-ce pas aussi ce qui détourne les lecteurs français de nos auteurs hexagonaux ?

C'est intéressant ce que vous dites, car vous parlez d'abord d'auteurs (Glen Cook, Gemmell, voire Eddings, Feist, Martin et autres Hobb), puis des attentes du public vis à vis des œuvres (et non des auteurs).
Un éditeur défend plutôt un auteur ou plutôt une œuvre, selon les cas/circonstances ; je préfère défendre des auteurs, chercher des singularités, des "personnages" que des œuvres isolées. J'ai publié un paquet d'auteurs assez croquignolets, avec de très fortes personnalités. Il suffit de regarder mon passage chez Lunes d'encre et voir dans la liste des noms Greg Egan, Kloetzer, Kelly Link, Ted Chiang, Ian McDonald, Christopher Priest, Romain Lucazeau, Hal Duncan. D'une façon ou d'une autre, ce sont de vrais personnages en plus d'être de vrais écrivains, ils portent quelque chose de fort, voire parfois de singulier qui n'appartient qu'à eux. Priest c'est la réflexion sur la perception, McDonald ça va être le refus de occidentocentrisme en SF, Chiang la beauté des mathématiques/de l'abstraction, Link la "douce folie", Kloetzer "imaginaire et chrétienté", c'est un enfant de Tolkien. Etc.
Quand on achète une VO, on a rarement une idée de la personne qui est derrière et on la découvre au fur et à mesure. On a des bonnes surprises et parfois de très mauvaises. Sam J. Miller (dont le roman est loin d'avoir fait l'unanimité), c'est une des plus belles rencontres que j'ai faite dans ma carrière. Il mérite d'être suivi, soutenu, et je ferai mon max'. Mais je ne pourrais pas le faire contre le public, qui est un ensemble gazeux, fluide et pour tout dire largement incompris (en tout cas par moi).
Peter A. Flannery c'est le mec le plus gentil de la planète et je soupçonne que ce n'est pas étranger à son succès. OK, c'est pas Chateaubriand, mais c'est un mec adorable avec des convictions, un vrai sens des personnages et de leur dramaturgie.
On fait notre job : on défend des auteurs, on essaye de communiquer en quoi ils valent le coup d'être lus, on essaye d'expliquer ce livre-là c'est plutôt pour un lecteur exigeant, celui-là au contraire plaira à un lecteur néophyte mais laissera sans doute sur le carreau un vétéran. Etc. On fait notre job... mais après, on ne décide plus rien.

GD

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Gilles Dumay a écrit :Après on n'a pas en français l'équivalent du phénomène médiatique Le Trône de fer (enfin si, Les Rois maudits, mais ce n'est pas de la fantasy).

Si je peux botter en touche en élargissant la notion de fantasy à la BD et au secteur jeunesse, la France a Astérix dont on ne compte plus les traductions ni les adaptations, et qui marche très bien dans le monde entier. Dans le domaine francophone, les Schtroumpfs sont une des BD les plus connues au monde par l'intermédiaire de leurs produits dérivés et des dessins animés qui en ont été adaptés par Hanna & Barbera (avec Peyo pour tout vérifier : il s'est littéralement tué à la tâche, le malheureux).
Et si on veut bien classer Le Petit Prince en fantasy plutôt qu'en science-fiction, on tient le deuxième livre le plus lu au monde après la Bible, ainsi qu'une franchise commerciale qui fonctionne toujours très bien (y compris son adaptation animée en images de synthèse en 2005, grand succès international).

Bref, la France et le domaine francophone n'ont rien à envier en matière d'imaginaire merveilleux, ni en matière de franchises commerciales à succès, quand on englobe tous les domaines du merveilleux. Le domaine de la BD et de l'animation sont parmi les meilleurs porte-paroles du merveilleux à la française dans le monde. Je pourrais multiplier les exemples en BD franco-belges, y compris Thorgal qui est en train d'être adapté en série.
La littérature de jeunesse, de son côté, est encore très méprisée, mais à ma connaissance elle est très rentable. En BD jeunesse, il y a des séries comme Les Légendaires qui sont de grands succès. On pourrait aussi parler de Lanfeust.
Ce qui pose problème, c'est le merveilleux livresque pour adultes.
Manque de courage des producteurs pour adapter des romans ou cycles littéraires de fantasy français ?
Je ne sais pas si, de manière générale, les écrivains et/ou les éditeurs sont très actifs pour tenter de mettre en place des franchises multisupports à partir de leurs livres. J'ai l'impression que ça bouge un peu en ce moment, avec par exemple les adaptations BD de classiques de la SF comme Stefan Wul et, récemment, de Damasio et de Jaworski. J'espère que ça lancera un mouvement.

Il y a aussi la faute à pas de chance, parfois, comme les projets d'adaptations en films et en jeux vidéo de La Horde du Contrevent (Windwalkers), par un studio qui avait aussi du Gaborit dans ses cartons : un crève-coeur, mais l'existence même de tels projets est déjà bon signe.
Ou bien la faillite de Rackham dont l'univers d'Aarklash a fait l'objet de plusieurs adaptations et était en bon chemin. Le jeu de figurines était en cours de résurrection, d'ailleurs, mais les difficultés de son éditeur, Sans-Detour, me font craindre pour l'avenir de la franchise (entre les mains de cet éditeur, du moins).
Gaborit, quant à lui, tient l'un des meilleurs univers de fantasy français, celui des Chroniques des Crépusculaires, qui a aussi donné l'excellent jeu de rôle Agone... mais des querelles entre auteurs et éditeurs retardent absurdement la réédition du jeu de rôle et l'épanouissement d'une franchise plus large. Là encore, c'est un gâchis alors que ça peut donner quelque chose de beau.

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Si je peux botter en touche en élargissant la notion de fantasy à la BD et au secteur jeunesse, la France a Astérix dont on ne compte plus les traductions ni les adaptations, et qui marche très bien dans le monde entier. Dans le domaine francophone, les Schtroumpfs sont une des BD les plus connues au monde par l'intermédiaire de leurs produits dérivés et des dessins animés qui en ont été adaptés par Hanna & Barbera (avec Peyo pour tout vérifier : il s'est littéralement tué à la tâche, le malheureux).
Et si on veut bien classer Le Petit Prince en fantasy plutôt qu'en science-fiction, on tient le deuxième livre le plus lu au monde après la Bible, ainsi qu'une franchise commerciale qui fonctionne toujours très bien (y compris son adaptation animée en images de synthèse en 2005, grand succès international).

A ce rythme la on peut classer tout et n'importe quoi en fantasy...

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Ce qui pose problème, c'est le merveilleux livresque pour adultes.

Je fréquente un gros forum rôliste. Et il y a un sujet livre. Et je suis surpris de voir qu'on y parle plus de polar et de blanche que de fantasy. La plupart des participants sont quadragénaires et ce qu'ils disent c'est qu'ils ont grandi et que la fantasy c'est plus de leur âge. Et la SF, à l'exception de la hard SF c'est un peu pareil. Donc beaucoup de rôlistes qui ont pourtant fait le succès de nos littératures sont en train de passer à autre chose. Evidemment pas tous heureusement. Mais une partie de ce milieu.
Il y a des gens qui ne sont pas gêné de jouer à D&D mais qui ne liront plus de fantasy parce qu'ils estiment qu'ils sont trop vieux pour ça. Ce que je trouve un peu étrange.
Si l'on met ça en parallèle avec la déperdition des 25 ans. C'est à dire ces gens qui abandonnent l'imaginaire pour autre chose à partir de l'âge de 25 ans environ lorsqu'ils entrent dans la vie active. Comme si l'on devez devenir un autre pour accèder à l'emploi.

La littérature de jeunesse, de son côté, est encore très méprisée, mais à ma connaissance elle est très rentable. En BD jeunesse, il y a des séries comme Les Légendaires qui sont de grands succès. On pourrait aussi parler de Lanfeust.

J'ai proposé récemment un roman de fantasy exotique, picaresque et assez vancien, avec un ton assez léger à un éditeur. Le roman est assez proche quelque part dans le ton de certaines BD de Soleil qui cartonnent bien. Mais l'éditeur me dit que c'est une fantasy trop différente. Je ne sais pas ce qu'il faut en penser.

Je ne sais pas si, de manière générale, les écrivains et/ou les éditeurs sont très actifs pour tenter de mettre en place des franchises multisupports à partir de leurs livres

Didier Graffet et Xavier Mauméjean ont réalisé deux magnifiques artbook autour d'un univers steampunk. Le monde en question a un gros potentiel. Et vu que c'est Bragelonne qui est aux commandes, je m'étonne qu'ils n'aient mis en place aucun plan pour en faire un univers partagé avec Xavier Muaméjean aux commandes éditoriales.

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Ce serait à peu près la même chose dans une maison de la presse en France. Alors qu'il y a trente ans on y trouvait au moins les Fleuve Noir Anticipation.

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Fabien Lyraud a écrit :J'ai proposé récemment un roman de fantasy exotique, picaresque et assez vancien, avec un ton assez léger à un éditeur. Le roman est assez proche quelque part dans le ton de certaines BD de Soleil qui cartonnent bien. Mais l'éditeur me dit que c'est une fantasy trop différente. Je ne sais pas ce qu'il faut en penser.

Cela ne m'étonne pas vraiment. En tout cas, cela rejoint ce que je disais plus haut sur le manque de succès de plumes superbes, mais dont le style et les univers ne trouvent pas leur public en France.