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C'est marrant, ça a toujours été un personnage qui ne laisse pas indifférent les lecteurs qui, paradoxalement, le qualifient soit de trop honorable, soit de pas honorable du tout. Paradoxe qui a lui seul prouve que la nuance qu'on accorde au personnage dépend avant tout de notre propre point de vue concernant ses actions. Robb n'a en tout cas rien de l'archétype du "paladin loyal bon fort et courageux", il n'est même pas chevalier, à peine s'il a un duvet de moustache.Son histoire reste particulièrement intéressante, de par son côté tragique (même si dans le monde de Martin, les destins tragiques, au sens littéraire du terme, sont plutôt réservés aux femmes, et que Catelyn l'incarne beaucoup mieux que son aîné.) et terriblement cruel.Car Robb est avant tout un homme en devenir ; comme son demi-frère Jon, du même âge. leurs évolutions du statut d'enfant se font en parallèle et son intéressantes à comparer (même si ce n'est pas le sujet principal). Je vais ma me retaper un historique complet de la vie de Robb,d'autant qu'elle est sacrément plus courte que celle de Tywin, et plus centrale dans l'histoire, donc tout le monde la connait.Un sens de l'honneur, Robb en a un, c'est un Stark après tout, et l'honneur, la droiture, ce sont des éléments naturel, normaux dans l'éducation d'un Stark. Jon en est pétri, de même que Ned en était, on ne reviendra donc pas là dessus ; le problème étant plutôt de savoir si Robb n'est QUE ça. Juste un mec avec de l'honneur dans un monde qui n'en a pas et qui court donc à sa perte. Les choses me semblent un poil plus complexes que ça.Le parcours de Robb est tragique du début à la fin. Enfant un peu tête à claque, plein de bonne volonté, il tente à la mort de son père de faire "de son mieux" et d'agir de façon honorable et ainsi que concilier les réalité du monde, de la vie, de la guerre, avec l'éducation qu'on lui a inculquée, et les obstacles que Robb rencontre sur son chemins sont l'occasion pour l'auteur de faire ressortir une telle impossibilité, mettant Robb devant des choix impossibles, puisque chacune des décisions qu'il doit prendre est fatalement une mauvaise décision d'un côté. La notion de "choix" est un thème central de l'histoire de Robb, d'autant que ce sont des non-choix qui l'ont poussé à sa situation.En effet, il n'a pas décidé de se proclamer roi du Nord, ce sont ses bannerets qui l'ont bombardé roi afin de pas avoir à prêter allégeance à ce gamin bouffi de Joffrey ou à Renly qui venait de se faire couronner à Hautjardin. Robb est plus ou moins entrainé contre son gré dans un enchevêtrement inarrêtable. Comme lui signale sa mère lors de ses premières décisions militaires, le lard-Jon Omble, Roose Bolton, Rickard Karstark... ils sont ses bannerets, pas ses amis, ils le suivent par devoir, par honneur... mais seront les premiers à se retourner contre lui s'il fait montre d'hésitation. Robb se retrouve à concilier responsabilités, guerre, apparence de force alors qu'en dedans il crève de trouille, honneur avec devoir et contentement de tous, le mettant face à des situations impossibles à gérer et mettant à l'épreuve cette éducation et cet honneur Stark.On pourrait parler des batailles, toutes rondement gagnées, le Jeune Loup a visiblement un bon sens tactique, il a surtout de bons conseillers, Roose Bolton ou le Silure, et un Vent Gris qui lui donne un avantage indéniable, la bataille de Croixbœuf en est l'exemple absolu, Vent Gris a pratiquement gagné la bataille à lui tout seul. On pourrait parler du Robb adolescent et de sa mutation progressive en homme et en roi, d'autant plus intéressante qu'elle est vue du point de vue de sa mère, de ses premières décisions balbutiantes à ses décrets royaux où on a rien à redire, des conseils maternels qu'il requiert au début, à ses tentatives d'éloigner cette mère trop encombrante pour un roi sur la fin. on pourrait parler de sa relation avec son père, de l'ombre qu'un Eddard si charismatique fait peser sur les épaules du jeune homme qui doit s'affirmer pour exister par lui même, mais c'est vraiment dans les thématique de l'honneur et des choix que Robb reste le plus intéressant et je pense qu'on peut prendre 3 exemples marquants et caractéristiques des décisions cornéliennes que Robb doit prendre.la première est bien entendu la trahison et l'exécution de lord Karstark, l'un des moments les plus marquants et les plus poignants de Storm of Swords. Petit rappel, lord Karstark est furieux de la libération de Jaime par Catelyn, et il considère l'inaction de Robb envers cette dernière comme de la faiblesse. Afin d'assouvir sa vengeance pour les deux fils que lui a tué Jaime aux Murmures, il prend le parti de faire assassiner 2 otages Lannister dans les geôles de Vivesaigues. Robb se retrouve alors confronté à un choix qui met à mal son sens de l'honneur. Soit il pardonne à lord Karstark, son propre sang, soit il le condamne, ce qu'il sait être juste, inutile, et nécessaire à la fois. Et la citation qu'il a en est parlante, la plus criante sans doute : « Je me suis juré... d'être un bon roi, aussi probe que père, juste, énergique, loyal envers mes amis et braves pour affronter mes ennemis..., et voici que je n'arrive même pas à distinguer les uns des autres. Comment en sommes nous arrivés à un tel point de confusion ? Lord Rickard a livré à mes côtés une demi-douzaine de batailles. Ses fils sont morts pour moi aux Bois-aux-Murmures. Tion Frey et Willem Lannister étaient mes ennemis. Et c'est néanmoins par égard pour eux que je dois maintenant tuer le père de mes amis morts... les Lannister men seront ils gré de la mort de lord Rickard ? Les Frey m'en seront ils gré ? »Réduire Robb a un parangon d'honneur et de justice comme on le fait souvent serait oublier trop facilement qu'il se voir lors confronté à un choix où justice et honneur sont antinomiques. Doit il choisir la justice, et épargner lord Rickard, ou l'honneur, et le mettre à mort. Que choisir quand chacun des choix est mauvais ? quand droiture et équité ne peuvent pas être confondus ?L'autre grand choix est bien sûr celui qui conduira à sa perte, il s'agit de son mariage avec Jeyne. Après avoir dépucelé cette dernière, le voilà confronté à un autre dilemme d'honneur. S'il n'épouse pas Jeyne, alors il l'a déshonore, s'il l'épouse, il romp son serment engagé auprès de lord Frey, chacun des deux choix est mauvais, car chacun des deux choix met fatalement à mal ses convictions, ce choix est d'autant plus intéressant qu'on peut facilement le mettre en parallèle avec le parcours de Jon. A ce moment du réçit, chacun des deux frères est tombé amoureux d'une femme qu'il ne peut aimer sans renoncer à son devoir. Jeyne pour Robb, Ygrid pour Jon, et chacun des deux frère sera confronté à LA décision. Robb choisira l'amour, ce qui le conduira à sa mort et Jon le devoir, ce qui conduira à la mort de son aimée. Les deux situations sont la mise en miroir d'une tragédie qui est au final la même.Nul ne nie que l'honneur, le devoir et la vertu soient des caractéristiques importantes pour désigner Robb ou Eddard, de même que la froideur, la compétence ou la poigne étaient des caractéristiques qui définissaient bien Tywin, mais réduire Robb à JUSTE ça, est encore une fois une simplification assez extrême de la réalité des événements. On lit souvent çà et là que c'est l'honneur de Robb ou de Ned qui les mènent à leur perte, car ils sont des hommes d'honneur, trop naïfs, dans un monde d'intrigues. Mais ce n'est pas l'honneur qui pousse Robb dans la mort, ce sont ses choix, ses décisions, parfois bonnes, parfois mauvaises, parfois extrêmes, parfois contradictoires. Humaines oserai-je dire. Il n'est ni caricatural, ni archétypal, il tient à la fois de l'adolescent en devenir qui se cherche, qui essaye de faire au mieux, qui confronte son éducation à la réalité de la vie en devenant adulte, du roi noble qui tente d'apporter justice et paix, de l'homme amoureux qui tente de concilier son amour avec son devoir, au final c'est un personnage très vivant et très humain, avec ses réussites et ses ratés, loin d'être si lisse qu'il n'y parait au premier abord, même s'il est moins haut en couleur qu'un Tywin.