Gillossen a écrit :Alors, je ne doute pas que l'article puisse être sujet à critiques, et donc à débat, évidemment, mais le "démonter" sans l'avoir lu, je trouve ça un peu fort.

(Si tu parles de façon plus générale, désolé.)
Loin de moi l'idée de démonter l'article sans l'avoir lu : je faisais plutôt quelques rappels plus généraux sur le contexte (à savoir, l'utilisation des études mythologiques par l'industrie du cinéma).
Witch a écrit :Ce que l'article démontre assez bien à mon sens c'est que les détracteurs du film peuvent dire ce qu'ils veulent, la présence d'un aussi grand nombre de références touchant au delà du conscient n'est sans doute pas pour rien dans le succès du film
Ce genre de démarche me pose un problème au niveau de la méthode. On part du succès d'un film et on cherche des explications. Pour savoir si une explication donnée fonctionne, il faudrait que, toutes choses étant égales par ailleurs, tous les autres films comportant les mêmes références à l'inconscient etc. aient remporté le même genre de succès. Or il me semble qu'on pourrait très facilement trouver toutes sortes d'autres films ayant recours aux mêmes références, touchant tout autant à l'inconscient etc., mais qui n'ont
pas rencontré le succès d'
Avatar. Par exemple, pourquoi l'adaptation par Disney de
Taram et le chaudron magique a-t-elle été un échec cuisant (alors qu'il y a une quête du héros, adaptée d'une série de livres qui, elle, avait eu du succès) ? Pourquoi
Atlantide, l'empire perdu n'a-t-il pas bien marché (alors qu'il y a une quête du héros ET des indigènes à la peau bleue) ? (Je choisis Disney parce qu'en termes de budget et de moyens de promotion de l'oeuvre, on est à peu près dans la même catégorie.) Ces films reposaient eux aussi sur ce type de schéma. Autre exemple, outrageusement "quête du héros" dans l'âme :
Kalidor,
Kull le conquérant,
Le Roi scorpion et pas mal d'autres nanars de fantasy. Ce serait très facile de trouver le même genre de schémas narratifs, d'utilisations d'archétypes, etc. etc. et pourtant ils n'ont pas du tout rencontré le succès planétaire du film de Cameron. C'est donc que ce critère n'est pas déterminant. Il faut chercher ailleurs : dans le soin apporté aux effets spéciaux, dans la nouveauté de la 3D, dans la stratégie publicitaire réussie (justifiée en partie par la réputation déjà solide du réalisateur), etc. mais pas dans une quelconque signification universelle.Entendons-nous bien : je n'ai pas aimé ce film, qui, d'après mes critères personnels (disons 200% subjectifs, si vous voulez), n'est pas un très bon film et est largement surévalué (pour le moment). Mais j'essaie autant que possible de faire la part des choses, parce qu'il n'y aurait rien de plus lourdingue que d'intervenir dans une discussion pour pourrir le groove des gens qui ont aimé simplement parce que moi je n'ai pas aimé.Mais, cela étant précisé, il y a quelque chose qui m'agace profondément dans la réception dithyrambique dont bénéficie ce film, et c'est ce qui motive mon message : c'est de voir à quel point tout le monde cède à la démarche promotionnelle faite autour du film (et qui, commercialement, est un coup de maître) sans prendre le minimum de distance nécessaire à une vraie analyse rigoureuse. L'aspect sournois des articles comme celui dont on parle ci-dessus, c'est qu'il cèdent à une démarche d'auto-légitimation qui fait partie de la promotion du film, et qu'
Avatar n'a d'ailleurs pas inventée. Je pense aussi à un film comme
Matrix dont une bonne part de la promo reposait autour de son aspect "philosophique", qui ne cassait franchement pas trois pattes à un canard (même s'il n'était pas inexistant). Ici, c'est la même chose : le film assure ses arrières en générant lui-même son propre commentaire critique, naturellement élogieux. Les concepteurs du film utilisent les moyens de promotion dont ils disposent pour suggérer d'emblée une étude "scientifique" qui prouverait la qualité du produit. C'est une démarche en partie légitime, dans la mesure où tout auteur a le droit de s'exprimer sur ses intentions, ce qu'il a voulu mettre dans son oeuvre. Mais ici, ça va beaucoup plus loin : il s'agit de proclamer directement que James Cameron a du succès
parce qu'il parle à l'âme humaine, donc parce que c'est un artiste génial. Vous voyez la différence ? On propose un élément d'explication, mais (pardon d'employer des termes un peu techniques) c'est une explication téléologique, qui découvre à l'arrivée quelque chose qu'elle a déjà supposé au départ (la qualité du film). C'est donc un argument publicitaire, et non une réelle explication rigoureuse comme un (bon) critique ou universitaire s'intéressant au cinéma pourrait en faire.Quelque part, c'est de bonne guerre : que Cameron ait envie d'être vu comme un grand cinéaste, ça se comprend. Que les spectateurs d'
Avatar aient envie de savoir comment il s'y est pris, et qu'ils en profitent pour s'intéresser aux mythologies, à l'inconscient collectif et à toutes sortes d'autres domaines culturels, c'est une très bonne chose. Mais il faut savoir prendre de la distance par rapport au discours tenu par ceux qui ont conçu et vendent le film : ce n'est certainement pas eux qui donneront une vraie explication rigoureuse sur les raisons du succès du film. Si
Avatar avait été un flop, ils auraient été les premiers à expliquer que ce genre de ficelles de quête du héros etc. était usé jusqu'à la corde et que le film a été plombé par son manque d'originalité... tout simplement parce qu'ils auraient pris la chose comme des commerciaux : ce qui a du succès, il faut le faire encore (on ne change pas une équipe qui gagne), et ce qui n'a pas de succès, il ne faut plus s'en servir.Là où la situation me hérisse, c'est quand des analyses viennent analyser
uniquement ce qu'on leur dit d'analyser et
dans le sens qu'on leur suggère, pour parvenir à des résultats attendus. Ce n'est pas honnête intellectuellement ! On ne peut pas étudier
Avatar sans replacer le film dans son contexte, sans le comparer à d'autres films du même genre, au minimum. Mais ce n'est pas là-dessus que le discours promotionnel du film veut attirer l'attention - et ça se comprend, car
Avatar n'a rien d'original en tant que film de SF, et n'importe quel connaisseur du genre le sait. Toute la stratégie consiste à enfermer l'analyse dans les limites du film, à changer le commentaire en une sorte d'exégèse qui détaille toutes les qualités de l'oeuvre. Or, dès qu'on élargit un peu le point de vue, ça ne tient pas. C'est exactement comme
Matrix, une fois qu'on le compare à d'autres films d'action dont il s'est beaucoup inspiré, par exemple
Ghost in the Shell : cela permet de voir que, du point de vue de la réflexion philosophique, non seulement
Ghost in the Shell l'avait fait avant, mais il l'avait fait en mieux. Ce type de comparaison permet de prendre une distance critique par rapport au discours promotionnel du film ("désolé, en termes de réussite cinématographique sur ce thème précis, il y avait déjà eu des choses très bien avant, ce n'est pas là qu'il faut chercher l'originalité de
Matrix"), mais cela permet aussi de mettre en valeur les vraies qualités du film, donc d'expliquer vraiment son succès (par exemple par l'utilisation du bullet-time, que
Matrix n'a pas inventé mais qu'il a utilisé d'une façon nouvelle avec un degré d'achèvement encore inégalé - le tout "sauf erreur de ma part", je suis loin d'être un spécialiste là-dessus).Pour moi, le succès d'Avatar est dû beaucoup plus aux moyens mis en oeuvre par James Cameron (qui lui permettent aussi de
vraiment faire les choses bien sur le plan des effets spéciaux, exactement comme Lucas ou Spielberg), à sa réputation déjà bien assurée par plusieurs grands succès et à l'utilisation de moyens techniques nouveaux, tous ces critères se conjuguant pour créer un gros effet d'attente. Ajoutons un contenu pas compliqué, assez banal, très politiquement correct, mais répondant à des interrogations contemporaines (l'écologie), qui permettent au film de toucher un public plus large que d'autres films de SF à l'univers plus sulfureux et l'intrigue plus entortillée, et on a déjà une meilleure idée du succès de la bestiole. A noter que l'aspect politiquement correct du
Pocahontas de Disney, qui aborde exactement les mêmes thèmes (l'environnement, la colonisation, les Indiens proches de la nature vs. les Occidentaux pollueurs), lui avait valu le même genre de succès.